La chose à fourrure agite sa montre à gousset frénétiquement sous mon nez.

“EN RETARD ! VOUS ÊTES EN RETARD !”

Improbable créature : 80 cm de fourrure blanche, une frimousse terriblement mignonne, deux billes noires pour les yeux, une truffe rose, un petit museau, le tout surmonté de longues oreilles. Il est habillé. Cet... animal parle ? Et détale à toute vitesse. Un pompon dépasse de sa jaquette.

Je rêve, c'est la seule explication logique ! Il n’existe pas de telles créatures dans tout Pandémonium. Je déteste être en retard, je lui cours après. Il fait nuit, je n’y vois pas grand chose.

“En retard ?! Mais… En retard pour quoi ?! Attendez !”

Devant nous se dresse un grand bâtiment éclairé de toutes parts. Nous entrons dans une vaste salle de réception bondée. Cela me stoppe net dans ma course. Il disparaît dans la foule.

“Pour danser bien sûr ! Elle vous attend !”

Me réponds aimablement une carte à jouer géante avec un visage humain incrusté dans l’épaisseur du carton. Un VISAGE. Par Creatorem ! Je dois à de nombreuses années d’une éducation stricte de ne pas réagir ni de me mettre à crier. J’ai sans doute pâli. Je balbutie :

"Ouibiensûrévidemment"

Comme si quoi que ce soit ici était évident ! Le centre de la salle est presque vide. Un petit bout de femme se tient là, jolie comme un coeur à prendre.

"Voilà le cavalier !"

On me pousse en avant. Je réajuste mon costume, intimidé. Puis je regarde à droite, à gauche. Il semblerait que je sois cerné de regards curieux, en attente. Le cercle se referme, impossible de fuir. Je carre les épaules. Dansons. Ne te pose pas trop de questions, Anton. Je me pince de nouveau. J'approche, circonspect.

Je m'incline pour saluer ma partenaire de danse, par politesse, par habitude. Son petit visage rond est chagrin. Elle n’a pas l’air ravie d’être là. Une première note de musique pleut dans le silence. Une seconde, une troisième… Ainsi s’enchaîne la ritournelle. Elle est en trois temps, une valse. Je me détends, lui souris.

Je lui tend la main.

Il l’a toujours su. Les matins à l'horizon flamboyant ont plus d’attrait pour moi que les dallages de marbre et argent. Je me demande, encore, comment j’en suis arrivée là. À accepter de me laisser entraîner dans ce genre de mondanité où l’hypocrisie se fait le meilleur allié. Il y a des choses que même la fin de la guerre ne pourra effacer. Mon père ne remarque même plus mes regards assassins. Qu’ils lui rôtissent la nuque et la mèche ! Un grain de foule pour un désert de solitude. Il est où ce preux chevalier que l’on m’a promis pour m’accompagner ? L’attente… Interminable me consume à petit feu.

« Voilà le cavalier ! »

Et quand on parle du loup… Mon cœur en manque un battement. Quand je me retourne pour lui faire face, mon regard accroche la silhouette du lagomorphe qui s'étend, s’étire jusqu’à se tenir sur des jambes parfaitement humaines. Son tic-tac agaçant très vite couvert par les premières notes d’une valse viennoise. Je glisse ma main dans sa paume, l’autre à son épaule. Frémissante quand il vient à placer la sienne sur mon omoplate, je n'ose affronter son regard bleuet, sentant monter à mes joues l’éclat caractéristique de mes rougissements.

J’en oublie ma gêne dans le mouvement de ses pas. Feu-follet prisonnier qui nous fait faire le tour de la pièce, ou braise tourbillonnante, cherchant une issue par laquelle s’envoler. Je me surprends à lui rendre son sourire avec un train de retard, oubliant les regards scrutateurs et les langues serpentines. Et moi qui m'attendais à devoir remouler mes pieds. C’est ma langue que je devrais ravaler.

« Vous êtes plutôt bon danseur. »

Voilà que j’en brûle les étapes, carbonise cette étiquette que mon père s’est évertué à m’enseigner. Une chance qu’il ne m’entende pas. Pourrait-il me voir entre ces autres couples qui vacillent sur la piste?

« J’en oublie la politesse. Je suis Cire. Fille de Cierge et Candela De La Chandelle. »

La bestiole poilue… SE TRANSFORME EN HUMAIN. Mes yeux vont me sortir de la tête, je dois les frotter énergiquement pour les remettre bien à leur place. C'est elle, la jolie danseuse, qui me tire de là en glissant sa petite main aux doigts aussi fins que des pattes d'araignée dans la mienne. Elle est aussi jolie qu'une fleur encore en bouton, et je dois admettre que le sang affluant à ses joues m'attendrit. Elle s’illumine de l’intérieur. Je suis fasciné.

Je ne crains rien ni personne quand je danse. Je m'oublie pour être, pour ressentir ce qui se passe ici et maintenant. Mes yeux pourtant ne peuvent se poser nulle part, partout l'impossible s'étale, en personnages étonnants, extravagants, impossibles ou grotesques, qui se saluent à leur tour, s'inclinant, et se donnent la main pour nous rejoindre. La salle soudain est un tourbillon de couples se croisant au rythme de la musique.


"Je m'appelle Anton. Etes vous... Une.. Une… fille ?"

Candella de la chandelle... Oui, OUI J'allais lui demander si elle était une bougie et NON je ne l'ai pas fait mais enfin RIEN N'A DE SENS ! Je dois me réveiller sous peine de devenir fou, ou ma jolie compagne pourrait bien s'allumer et me fondre entre les bras. Quel cauchemar se serait ! Elle a sur le visage un air de sauvageonne, dissimulé bien sûr mais bien présent, et au coin de cette bouche en cœur se love une soif d'aventure.

Elle aussi épie les sorties comme si elle voulait s'enfuir au loin. Moi je vise le buffet. Attrape un verre au vol, la faisant tournoyer... Et me le vide sur la tête. Je suis toujours là. Et trempé qui plus est.

"Je ne sais pas pourquoi je suis ici. Je dors, ou je dormais ou je rêve !"

Nous tourbillonnons près de la table, je cherche des yeux quelque chose, n'importe quoi d'autre, ayant reposé le verre inutile. Un couteau ? Une fourchette ? Solutions affreuses et piquantes auxquelles je ne peux me résoudre.

Anton. Prénom inscrit en lettre de feu dans mon esprit troublé. Bien que le sien semble plus perturbé encore. Il a dans son regard cette lueur d’incompréhension quand ses orbes se posent sur ce qui paraîtrait normal à n’importe qui ici. Et il semblerait que je fasse partie de ces choses qu’il ne comprend pas… Bien qu’il tente de sauver les apparences. Il me semble alors plus tendu, hésitant, me faisant moi-même douter. Me rejetterait-il pour ce que je suis ?

« Une Bougie…? Oui… »

Peut-être aurais-je dû m'abstenir. Profitant d’un tourbillonnement, je le vois du coin de l'œil qui s’asperge d’eau glacée. Les cris d’indignation des danseurs alentour ne se font pas attendre. Ils s’écartent de cet étranger aux manières déplorables, manquant de me bousculer quand il me ramène à lui.

« Si vous craignez que je ne fonde entre vos bras… Rassurez-vous, il en faudra beaucoup plus. Inutile de vous mouiller de la sorte. »

Sous mes sourires, l’inquiétude se fait tison et les questions brûlures quand il avoue presque ne pas être d’ici. Une alice arrachée à son foyer ? Un amnésique ? Peut-être.

« Vous avez le teint cireux… Un thé vous fera le plus grand bien. »

Mais lorsque je tente de me soustraire à son étreinte, une force m’en empêche. Je crois voir une paire d’escarpins rouges aux pieds du chef d’orchestre. Serions-nous aux prises du pouvoir de la musique ? Entre deux feux, sentant son désarroi m’atteindre, je me perds dans mes réflexions, cours après mes idées qui se font cendre et charbon. Le mieux serait encore de lui avouer.

« Je crains que nous ne soyons bloqués dans cette danse… Nous ne nous arrêterons que lorsque que la musique s’arrêtera. »

Je m’échappe en un tournoiement, étend le bras vers la table et attrape des biscuits que je m’empresse de cacher dans ma ceinture avant de revenir à lui et poser mes doigts sur sa joue. Les autres n’y ont vu que du feu.

« À défaut de thé…Un peu de sucre..? »

C'est vrai alors, j'ai bien deviné, c'est une bougie. Je n'ai pas grand chose à faire de déplaire à M. et Mme, j'essaie de ne fixer personne et finalement mes yeux choisissent de ne se poser que sur elle. Elle a deviné mes craintes, elles semblent infondées. Il n'y a rien de conventionnel, rien de logique, si ce n'est la valse, les trois mouvements, le tourbillon de robes et les talons qui claquent sur le sol de marbre.

"J'espérais me réveiller de cet étrange rêve... Ce n'est pas de votre faute. Vous êtes... de charmante compagnie."

Elle me propose du thé, je trouve l'idée excellente : dans les rêves, la nourriture n'a pas de gout, ou un gout qu'elle ne devrait pas avoir. Elle essaie de s'écarter, en vain. Allons bon. Que se passe-til encore ? J'essaie de m'arrêter, mais en vain, mes pieds ne m'obéissent pas. Quelle diablerie est-ce là ? Qui me fait cette mauvaise farce ? De quel démon ai-je attisé l'ire ?

Suis-je mort, suis-je en enfer ? Non. Non, tout ceci est absurde oui, et l'inconnu étire son visage hideux d'effroi, mais... Dans les faits, je danse dans une salle des fêtes aux convives étranges, avec dans les bras un petit bout de cire joliment tourné. C'est un rêve, bien sûr, un rêve étrange, et il est plus étrange encore que je m'en rende compte sans me réveiller... Mais pas d'inquiétude, non, pas d'inquiétude, autant s'en contenter. Profiter.

Je la fais tournoyer de nouveau, lui sourit, un sourire sans doute tordu, qui doute de devoir se profiler, un peu forcé, comme tiré du coin des lèvres sans son consentement. Une rougeur l'accompagne au contact délicat des doigts arachnéens sur mon visage.

"Volontiers."

De la danse, du sucre, un joli sourire sur sa frimousse, des nuages dans ses beaux yeux.

"Ne vous inquiétez pas. Tout va bien"

Ce sourire là fleurit naturellement. Danser et rassurer. Voilà deux choses que je connais.

Et voilà qu’un sourire apparaît. D’elles même, mes lèvres y font écho et ma main glisse à sa place sur son épaule. Tout va bien qu’il a dit. Et j’aimerais le croire. Mais le spectacle qu’il s’est donné me reste en mémoire, comme l’éclat affolé de son regard. Brisant un instant ce contact visuel entre nous, je cherche… Quelque chose, une idée… N’importe quoi. Un endroit…

« Et si nous essayons d’aller là-bas ? »

Là-bas, loin des candélabres et plafonniers qui, fièrement, distillent leur clarté. Là-bas, loin des regards indiscrets, jugeurs et désapprobateurs. Je le laisse me guider. Nous ne sommes qu’un tourbillon étincelant au milieu des autres diamants virevoltants. À la porte, nous sourit un garde à l’air coquin, à mille lieues de se douter de ce que nous mijotons réellement. Tentant d’oublier le clin d'œil qu’il doit servir à chaque couple s’isolant, nous nous glissons sous l’arche fleurie et nous rejoignons les ombres d’une terrasse mal éclairée. Si la musique est moins forte, sa magie opère toujours, égayant nos pieds qui ne peuvent plus s’arrêter. Gauche arrière, pivoter, assembler... à force, j'en ai le tournis.

« J’ai glissé des cookies dans ma ceinture. Pensez-vous pouvoir les attraper ? »

À l’extérieur, une brise se lève, glacée, me faisant frissonner. Mais ne craignant plus de me figer au moindre souffle, j’accueille cette fraîcheur avec plus de bonheur que la chaleur intérieure. La touffeur intérieure même.

« Je ne sais pas pour vous… Mais j’ai l’impression de mieux respirer. »

Nouveau sourire qui se veut rassurant alors qu’il me semble, malgré la pénombre, reprendre quelques couleurs. Les questions reviennent, agaçantes, instantes et je me mords la lèvre pour m’empêcher de les lui poser et de risquer de lui faire perdre ce calme nouvellement trouvé… Je m’avoue vite vaincue par ma curiosité.

« D’où venez-vous ? »

Question plus innocente que de savoir s’il a ennuyé Morphée ou le Croque-Mitaine...

Dehors, loin de la foule, loin de ces autres étranges qui nous épient et de cette vieille bougie qui me jette des regards sévères ? Je n'aurais pas dû me vider ce verre d'eau sur la tête. Apparemment c'est la chose la plus bizarre qu'on ai vu ce soir... SANS BLAGUE !

“Oui allons y”

Nous traçons notre chemin avec aisance. Elle est une merveilleuse danseuse. Je ne me sens pas prisonnier de ce sortilège, mais rassuré de pouvoir me raccrocher à quelque chose d'habituel. Un ours en armure nous sourit. J'ai ralenti et j'aurais tourné autour de lui pour mieux l'observer les yeux tout ronds, si Cire ne m'avait à son tour entraîné plus loin. Je sais ce qu'est un ours grâce à une antique sculpture du Musée. Un ours !

Incroyable. Ce sont... Des plantes grimpantes venues du sol, chargées de fleurs roses, rouges, blanches ! J'ai le visage en l'air, la bouche entrouverte. C'est merveilleux.

La terrasse est déserte. Je la fais tourner, mes mains se posent sur sa taille, la soulèvent du sol. Elle est si légère ! Je la fais virevolter dans les airs, puis la dépose en douceur, avant de lui tendre la main pour repartir. Elle la prend et avec elle, un biscuit. Mon autre main lui caresse la joue... Et lui glisse un cookie dans le bec.

Un courant d'air nous pousse l'un vers l'autre, dansant serrés l'un contre l'autre.

"Je suis heureux de vous avoir rencontré, Cire. Et d'être loin de toute cette foule"

Nous grignotons nos biscuits. J'ai la sensation de la connaître. Sa question me ramène à la difficulté de la situation. Si se verser un verre d'eau sur la tête est étrange, dire que l'on vient d'un autre monde doit l'être tout autant ?

"D'un endroit très différent. J'ignore comment... Ou pourquoi je suis là. C'est inquiétant et fascinant"

La valse cesse, pas mes pieds. Je veux encore la faire tourner, avant de me retrouver seul dans l'inconnu.

La surprise d’une envolée libère ce rire emprisonné depuis le début de cette soirée. L’espace d’un instant, portée ainsi à bout de bras, je me sens aussi libre que mes éclats. Retrouvant la fermeté du sol, il m’apparaît qu’il semble plus lumineux… Le temps pour moi de comprendre que la chaleur qui se diffuse sous ma peau est à l’origine du phénomène. Je suis devenue lanterne. Le cookie encore tiède de sa cuisson m’aide à retrouver mes esprits, me concentrer sur autre chose et prêter une oreille plus attentive à ses propos… Qui ne sont pas pour m’aider à calmer les crépitements de mon cœur. Le changement de sujet y est plus favorable.

« Viendriez-vous… De la « Terre » ? »

Si oui, il serait une alice et je sens déjà l’étau de la peine enserrer mes côtes… à moins que ce ne soit son bras qui se soit juste enroulé autour de moi, m’enlaçant plus étroitement. Je m’étonne alors de ne plus entendre de musique dans la grande salle. Moins de voir dans l’encadrement de la porte la statue d’une vieille bougie. Son visage figé dépeignant parfaitement une intense frustration. Nous voir danser sur l’air inaudible de nos pensées n’a pas plu à mon père. Tel est cuit qui croyait cuire. C’est méchant, mais je ne peux m’empêcher de me moquer intérieurement. J’en oublie une seconde l’angoisse de devoir révéler à mon partenaire qu’il est ainsi piégé pour l’éternité…

« Anton… Je… Je ne sais pas comment vous le dire… »

Soutenir son regard m’est difficile. Je me fais corbeau annonciateur de mauvais présage. Porte parole d’un juge cruel et de sa montre à gousset. À moi de lui annoncer sa terrible sentence. J’ose seulement espérer que l’idée d’une prison enchantée lui sera plus agréable qu’une peine par le feu le serait pour moi.

« Vous êtes ici à Wonderland… Et ceux qui y arrivent… Ne peuvent plus en repartir. »

« Oh, vous connaissez ? Vous... Y êtes déjà allée ? »

Voilà que je me prends à imaginer des portails entre les mondes. Cependant ce monde a l'air bien plus accueillant. Je discerne dans la nuit de hautes silhouettes feuillues. Je n'en ai jamais vu mais d'instinct je sais de quoi il s'agit, pour en avoir lu la description.

"Ce sont des arbres là bas ?"

Mes pieds s'arrêtent sur cette phrase inquiétante. En général quand on ne sait pas comment le dire, c'est que ce que l'on à à dire ne sera pas agréable à entendre. Je m'attends au pire sans savoir ce que le pire pourrait bien être. Nous sommes immobiles, l'un en face de l'autre, nos mains toujours l'une dans l'autre.

Ce qu'elle me dit me fait rire. Un rire qui n'y croit pas.

"Mais si, vous verrez, demain, Pouf, je serais parti, et je me réveillerais !"

Son air grave m'alarme.

"Et... Dans l'hypothèse ou ca ne serait pas le cas... Sauriez vous ou je devrais aller ?"

En fait, je n'aime pas ce qu'implique cet avertissement. Il signifie plusieurs choses : que je ne suis pas le premier à venir de la Terre, et que ceux qui en sont venus avant moi n'ont pas pu retourner chez eux. Et qu'il y en a eu assez pour que tout le monde le sache. J'avance la main pour arranger une mèche des cheveux de Cire derrière son oreille. Elle a l'air triste et je n'aime pas cet air. Je préférais entendre son rire. En arrière plan, je remarque enfin la vieille bougie : elle fulmine.

"je crois que votre père ne m'apprécie guère..."

Doux euphémisme. Je fais mine de l'ignorer parfaitement, entourant les épaules de Cire de mon bras. Je ne sais pas vraiment pourquoi je provoque ce parfait inconnu. Rien de tout ceci n'a grand sens en vérité, et déjà, pourquoi et comment étais-je son cavalier ? Qu'est-ce que je fais là ?

Pauvre alice qui ne comprend pas encore. Je connais la Terre depuis les livres que les flammes de ma curiosité ont dévorés, depuis ces histoires que j’ai récoltées, au fils de mes pérégrinations… Mais je ne suis pas Passeur et mes propos lui apportent d’eux même une réponse qu’il devrait redouter. Ils se heurtent au déni. Réaction que je comprends, bien qu’elle me peine. J’en ai entendu des histoires, sur ces alices devenues folles après avoir posé les pieds, ici, refusant d’admettre la réalité. Un instant, je crains que cela n’arrive à Anton, mais il semble vouloir faire un effort pour l’accepter. Je me rassure, lui sourit en retour et acquiesce à sa demande, n’osant croiser son regard quand il a ce geste empreint de douceur qui me surprend.

« Je vous accompagnerai si vous le désirez. »

À cet instant, je me moque bien de ce que pourrait penser mon père. Suivant le regard d’Anton, je pose le mien sur la sculpture de cire. Sachant pertinemment que dans cet état, il ne peut ni nous voir ni nous entendre, je ris légèrement. Pactiser avec Lucy Fair n’était décidément pas une si mauvaise chose. Ne plus souffrir des variations de température… Quel bonheur…

« Rassurez-vous, il n’aime pers… »

Ah ..! En tenant compte de la situation et du visage sévère figé sur nous, je ne me serais pas attendu à cette réaction. Je m’embrase, illuminant son visage qui ressort d’autant plus pâle sous ses mèches brunes. Mon cœur s’emballe quand dans ma tête une question explose… « Et si…? » Mais la réponse fuse tout aussi vite, négative… Il n’est pas celui de mes souvenirs arrachés… Cependant… Anton est un doux réconfort… Et passant mes bras autour de sa taille, j’espère en être un pour lui aussi…

«A m’enlacer ainsi, vous allez peut-être finir par me faire fondre… »

J’ai beau dire, je suis bien incapable de me soustraire à son étreinte, douce et chaleureuse. Inattendue… Mais bienvenue…