EVENT HALLOWEEN - Les Beagleux

Dans le registre des réveils douillets, celui-ci pouvait bien s’illustrer ! Les lèvres nacrées de sa douce vinrent le tirer de son sommeil, l’invitant à se lever. Derrière les volets largement descendus, il pouvait presque percevoir le crépuscule qui tombait le faisant réaliser qu’il était grand temps d’émerger ! En cette soirée d’Halloween, les deux tourtereaux possédaient un programme plutôt chargés. Tous deux conviés à divers endroits, il leur fallait se dépêcher un peu pour parvenir à la fin de leur préparatifs. Ouvrant la porte de la chambre, le démon s’accroupit aussitôt, sûr et certain de la petite bombe atomique qui ne manquait jamais de surgir. Aussitôt prévu, aussitôt effectué, le boulet de canon Attila venant se confondre en jappements et frétillement de queue entre les mains de son maître.

« Oui petit prince, on est là ! »

Esquissant un sourire attendri, le propriétaire de l’adorable chiot finit par l’entraîner avec lui dans son dressing, n’ayant pas grand mal à le faire suivre. Si Maze devait partir fêter Halloween avec la nouvelle présidente de Mars, Alec lui devait rejoindre un petit humain (quelle ironie), missionné pour co-diriger une dangereuse expédition. Les rumeurs occupant une place particulière dans la cité, Alec avait tôt fait d’entendre parler de ces dires sur les actes paranormaux qui secouaient DT. Curieux à souhait, ces nouvelles avaient entretenu des discussions enflammées avec sa compagne. Ayant déjà accepté le baby-sitting bien avant que ces faits ne tombent dans le domaine public, Mazikeen s’excusait de ne pas pouvoir l’accompagner. Puisqu’il savait qu’il la retrouverait à son retour, dans son délicieux costume de morte-vivante, le démon ne lui en tenait nulle rigueur et s’enthousiasmait au contraire suffisamment de son programme pour ne pas y prêter trop d’attention.

Durant la semaine, il avait travaillé d’arrache pieds pour réaliser le costume qu’ils allaient enfiler, son canidé et lui-même. De nombreux ajustements et chutes de tissu après, ils étaient enfin prêts ! Attila n’avait au début que fort apprécié de devoir se coltiner ces ailes d’un rouge vif qui lui donnaient envie de toutes les arracher. Avec beaucoup de patience, son pauvre maître lui avait tant bien que mal inculqué de ne pas y toucher et à force d’accoutumance, le chiot avait fini par accepter de se tenir tranquille, acceptant finalement son triste sort. C’est donc ainsi harnachés que les deux compères sortirent dans la nuit froide d’Octobre. Au contact de l’air particulièrement froid, Attila apprécia finalement grandement les pièces dont il était affabulé tant sentir la chaleur de ses fausses plumes le contentait.

Le point de rendez-vous avait été fixé à la salle des fêtes, allait savoir pourquoi. Bravant les foudres du vent, ils finirent par arriver et se retrouvèrent nez à nez avec un autre sorcier (bien moins puissant évidemment), qui n’était autre qu’Ithen.

Faisant apparaître sa baguette face à lui, le démon engagea le combat, hurlant à plein poumon jusqu’à en faire sursauter le chiot pour lui faire clore sa chness grande ouverte :

« Bloclang ! »

La réaction du jeune homme n’aurait pu mieux le ravir. Laissant échapper un petit cri, ce fut le rire moqueur du démon qui lui répondit, en parfait écho. La réaction du suédois fut tout de même un peu moins joviale au moment où Ithen lui grilla la priorité, s’improvisant éclaireur. Attila sur ses talons, il le suivit en maugréant déjà, imitant d’un ton sarcastique les glapissements de l’humanoïde devant lui. Sa satyre se stoppa net lorsque les faisceaux lumineux invoqués éclairèrent la troublante ambiance des lieux.

Un sacré remue-ménage avait été fait ici. Le faible éclairage suffisait pour s’imprégner de toute l’horreur de la situation. Sur le carrelage parfaitement ajusté se faisaient voir des restes de sang, parfois agrémentés d’une empreinte de pieds. Les murs ne pouvaient être jaloux, de jolies traces de peintures d’hémoglobine l’habillant. Les sources d’approvisionnement avaient du être nombreuses compte tenu du festin que le buffet sur les tables contenait. Des globes oculaires flottaient dans de curieux bocaux, des cerveaux gisaient sur des plats soigneusement préparés.

Etrangement, le démon ne ressentit nulles fragrances aiguisant son intérêt. Le paranormal agirait-il d’ores et déjà sur son odorat ? Le trouble des sens dut également toucher le petit Hun puisqu’Attila trottinait ci et là, léchant copieusement le visage du cadavre sur lequel Ithen avait buté. Ses papilles se régalèrent ainsi de la sauce barbecue qui le maculait, tout comme il ne fit qu’une bouchée de son lobe d’oreille en pâte à sucre. Le goût parut toutefois le surprendre puisqu’il abaissa les oreilles et abandonna l’être mutilé pour s’avancer vers le corridor. De là lui parvenait d’étranges bruits assourdis.

Remarquant l’intérêt grandissant de leur molosse vers l’une des directions, le premier réflexe du démon fut de s’emparer de l’un des couteaux plastifié abandonnés sur la table pour le suivre, faisant un geste discret à l’humain pour le prévenir. Se séparer représentait à ce stade la pire des idées tant qu’ils n’auraient pas élucidé ce qui se déroulait ici-bas .

Le chiot finit par se stopper devant les toilettes des filles et au travers de la porte entrouvertes, des sanglots purent parvenir aux deux enquêteurs. Galvanisés par leur non échec lors du dossier du Zeppelin, les deux inspecteurs en herbe échangèrent muettement. Avec de grands gestes maladroits, Alec lui expliqua qu’il allait pousser la porte. Pour éviter tout danger, il lui recommandait de se pousser vers la droite, lui restant vers la gauche afin de pouvoir sauter à deux sur leur agresseur éventuel.

Certain que son acolyte n’avait rien compris, au vu des gros yeux (encore présents dans leurs orbites, eux) le suédois mima un soupir avant de reprendre. Agacé par le temps qu’ils prenaient à se décider, Attila finit par trancher, et avec son énergie habituelle, il se faufila dans la pièce, dévoilant au passage une hémi-fillette à demi masquée par le reste de la porte. Des larmes de sang s’écoulaient de son petit minois blafard, ses grands yeux noirs et vides se posèrent sur l’être aux cheveux de jais.

Mais quel sombre idiot ! D’un petit coup mou du pied, Ithen fit trembler les gongs de la porte pour dissiper un peu plus l’obstacle éventuel qui les séparaient de la créature. Ce geste leur permit au moins de visualiser plus précisément les cloques boursoufflées sillonnant sur le frontal de Mrs Moaning Myrtle. Intenses sillons marqués, tant bien que mal camouflés par de petites mèches éparses, la brûlure épidermique réduisit en cendres toute envie du démon de la regarder. La salle elle-même, voulut leur épargner ce scandale esthétique, les ampoules s’engageant dans une fibrillation rocambolesque. Un rodéo de flash lumineux les força à cligner fréquemment des yeux déclenchant les cris furieux d’Attila. Le combo du jugement et des aboiements eurent certainement raison de la tolérance de Myrtle. Déjà bien chagrinée par son propre passé, rien n’allait plus dans le fond de ses toilettes et il était temps de faire valoir à ces deux abrutis son droit de propriété.

Voyant une potentielle menace s’aventurer vers eux, la voix hésitante d’Ithen se manifesta, suggérant de gagner les cuisines. En y réfléchissant brièvement, l’idée n’était pas des plus insensées, peut-être pourraient-ils y dénicher quelques lames affutées. Avant de tourner les talons, le suédois se permit de balancer le poing pour faire craquer le cornet interne de leur hôte. Aux deux sources d’hémoglobine s’en adjoint donc une troisième, un mince filet de sang courant le long de ses narines. Jurant, le suédois battit en retraite, sifflant brièvement son chien qui avait déjà déguerpi. Moaning Myrtle les suivant lentement, il se mit à marcher plus que rapidement non sans préciser à son deuxième acolyte.

« La bonne nouvelle, c’est que c’est pas un fantôme. La mauvaise, c’est que du coup elle peut nous tuer.. »

Accélérant, il aperçut soudainement des formes mouvantes s’agglutiner aux fenêtres extérieures. Des grognements gutturaux vinrent faire frissonner son échine de traqueur dont les sens s’aiguisaient. Ils étaient encerclés. Rejoindre la cuisine devenait même vital. Attrappant l’avant-bras gauche d’Ithen, Alec le tira violemment à lui pour l’inciter à hâter le pas. Soudainement conscient que son petit couteau en plastique n’allait pas lui être d’une grande aide, il le laissa venir ricocher sur le carrelage, s’assurant qu’une patoune à coussinet n’en profitait pas pour passer là. Ces dernières étaient trop occupées à galoper, permettant au chiot d’arriver le premier et de se réfugier sous le plateau inférieur du chariot à service. S’ensuivit Alec qui s’empara de la poignée de porte, la claquant derrière Ithen. En l’absence de serrure, le démon s’arc-bouta pour tirer contre le bois de la porte le meuble à vaisselle. Mrs Samovar et Zip manifestèrent à maintes reprises leurs tintements de mécontentement, mais tout préserver ne constituait nulle priorité. Dans la salle principale, les hurlements stridents de Myrtle se mirent à résonner brièvement, avant qu’un gros PLOUF ne précède le silence de son existence.

Au niveau de la porte reliant cuisine et extérieurs, la poignée fut abaissée à plusieurs reprises, les tentatives se rapprochant dangereusement.

« Ithen… il faudrait … »

Un glapissement s’échappa de la gorge exaltée d’Ithen qui se réfugia – non pas sous un chariot de service comme Attila – mais derrière un plan de travail. Levant les yeux au ciel devant les deux mauviettes synchronisées qui l’accompagnaient, le démon fut bien vite ramené à la réalité du danger. Les à-coup contre la porte persistaient, et il eut beau s’appuyer de tout son poids pour essayer de ralentir l’inévitable, rien n’y fit. Les planches craquèrent subitement et le globuleux des yeux d’un petit être fort bien hydraté apparu dans l’une des rainures d’ouverture. Un instant, le suédois se perdit dans la concentration de ce puis vermeille avant de s’emparer par réflexe d’une tasse en porcelaine. D’un geste énervé, il vint fracasser le fragile récipient contre la porte, cherchant à faire fuir son adversaire, au moins pour un temps. Les secondes, aussi minimes soient-elles constituaient un enjeu majeur qu’il ne fallait pas dénigrer, surtout en ce moment T.

Malheureusement, l’audace de leurs assaillants ne possédait nulles limites, et contents de trouver répondant à leur siège, ils accentuèrent leurs assauts. Le blondinet finit par plonger sur le côté, à l’opposé de là où Attila se trouvait, ignorant les dernières paroles du petit sorcier avec lui.

°Bordel, bordel. Réfléchis, réfléchis !°

Ses neurones engrangés pédalaient dans une semoule sans précédent, l’enrageant profondément. Entre temps, la petite armée sordide finit par entrer dans la cuisine, débitant en continu sa litanie de mots hâchés, de phrases à demi-commencées et de cris tous plus différents. L’Arche de Noé venait de débarquer, et c’est bel et bien le fond des caves qui remontait… La fraicheur de viande avariée ne faisait nul doute sur le temps qui s’était écoulé. Retenant un haut le cœur devant ces immondices, les yeux glacés du démon finirent par repérer la queue immobile d’Attila qui dépassait. Etrangement calme, celui-ci ne s’était pas fait repérer. Qu’il était mignon quand il voulait bien fermer son clapet…

Mu par l’envie soudaine de vérifier si les entraînements avec Alizée avaient porté leurs fruits, il appela son chien à pleins poumons, mimant l’air assuré de celui qui se sent déjà sauvé.

« Attila, attaque ! Attaque ! »

De là où il était, il aperçu soudainement l’arrière train de son chiot frétiller. Dans un grognement plein d’entrain, le molosse - bien moins impressionnant que la mine de son maître ne le laissait supposer - se jeta dans la marée. De ses crocs de lait blanchis, il tira, déchira, secouant la tête de droite à gauche pour assurer ses prises. La marée monstrueuse perdit en cohésion face à cette soudaine attaque et quelques murmures angoissés finirent par retentir. Non pas que son petit Beagle soit source de terreur. Mais son entrain débordant et sa vivacité lui permettaient de frapper, l’entrain du jeu le poussant toujours plus dans l’imprévisibilité.

Mais plus l’on travaille, plus les erreurs risquent de se manifester… Les crocs finirent par malencontreusement rencontrer le mollet d’un mort-vivant et un hurlement furieux de mortel éclata violemment. Tiens, tiens…

Les études ne reflétaient pas les compétences développées par tout un chacun, c’était certain, mais alors lui… il n’avait jamais songé à l’option « Master en communication ». Alors que le démon lui demandait de s’éclipser directement par la porte arrière, Ithen, revigoré, lançait vaillamment sa poêle dans le tas.

Au même moment, un curieux tas de poils (et non poêle), débarqua de la salle principale, bien décidé à interrompre la petite fête. Son discours de rabat-joie en fit tomber le dentier d’un Dracula plus qu’offusqué. Interloqué, le suédois fronça les sourcils, observant l’ensemble du qui proquo qui se jouait. D’un côté, les chassés qui ne comprenaient pas pourquoi la partie se stoppaient net, sans qu’aucune victime de leur côté ne soit dénombrée. De l’autre, les chasseurs frustrés par la brutale interruption alors que le plan se déroulait à la perfection.

Dracula ramassa la poêle qui avait glissé à ses pieds, menaçant le mini-monstre qui osait interrompre les festivités.

« Tu vas regretter ce que tu viens de nous enlever…. »

Profitant de la discorde générale qui venait de s’installer, le démon se releva et s’avança jusqu’à toiser les deux adversaires. Laissant échapper un regard furibond, il attrapa violemment les coins de la cape du Vampire et les éleva jusqu’à pouvoir accrocher son regard.

« Quel que soit votre merdier, vous vous êtes bien payé notre tête. A nous de prendre notre pieds… »

Le rictus qu’il afficha fit déglutir le petit bambin qui s’était pris au jeu de vouloir les effrayer. Désormais, Alec n’était plus que devant ce qui transparaissait comme l’arroseur arrosé. Et pour cause, un fin ultra filtrat plasmatique, ayant accompli sa traversée tubulaire, se fraya un chemin le long de son épiderme jusqu’à pitoyablement goutter au sol. Son gang de valeureux romains reculaient petit à petit, suffisamment prudents pour ne pas ignorer l’aura démoniaque qui claquait soudainement.

Rien, ô grand rien, ne justifiait le bien fondé de venir le défier, lui qui pouvait ne faire qu’une bouchée de ce corps gringalet. Ses bras s’élevèrent jusqu’à ce que les pieds ne touchent plus le sol. Et puis, un nouveau petit yéti choisit de se manifester.S’opposant fermement à la violence, Attila aboya, distrayant suffisamment son maître pour que l’autre cretinus n’en profite pour s’échapper. Le démon eut tout juste le temps de tenter de le rattraper, sa main se refermant sur la bourse contenant son précieux butin.


Chacun tira des enseignements de cette nuit du 31 Octobre. Les bambins de la ville n’essayèrent plus jamais d’effrayer les malheureuses âmes qui passaient. Depuis ce temps, ils se contentent d’aller toquer, de maisonnée en maisonnée, un sac plastique entre les mains.

« Trick or treat !! » peut-on entendre crier. Malgré le choix proposé, les faits leur auront enseigné à ne jamais plus vouloir effrayer, leur but se réduisant à chasser le bonbon, abrutis de déguisements aussi effrayants que des kigurumis.

En ce qui concerne nos  trois rescapés, ils passèrent leur nuit à se goinfrer des 6 bonbons récoltés.