Event Halloween ☽ Les K'Alice maudits ☾

   

La bibliothèque est étrange à cette heure, vide de lecteurs assoiffés de connaissances et riche de fantômes anciens oubliés. La lumière est faible, seule le petit chandelier que tu as apporté permet d’y voir plus clair. Assis, immobile, sur ce canapé de velours bien trop petit pour toi, tu soupires. Sur la table basse devant toi, des montagnes de livres se superposent, recouvrant chaque parcelle de bois d’un extrait de reliure en cuir. Une corne d’abondance de connaissances, véritable arme de destruction massive de l’ignorance. Et de l’ennui. Tu essaies d’étirer tes jambes sans percuter la table. Recroquevillé dans ce siège de mauvaise qualité, ton dos te lancine. C’est la première fois, et dernière fois, que tu décides de venir en aide à l’exploratrice. Si tu avais su que la participation engageait des contraintes vestimentaires dans le genre, tu aurais bien évidemment refusé sur le champ. Tu maudis ce vieux fondateur et ses lubies stupides. Il n’y a que lui pour te ridiculiser à ce point.

Spectacle improbable de désolation : un roi des démons terrifiant et dangereux en kigurumi dragon.

Tu es de mauvaise humeur, plus que d’habitude du moins. Comme si tu n’avais rien de mieux à faire que de courir après des chimères en plein milieu de l’automne, alors que des rapports capitaux t’attendent dans ton bureau. Ces humains avec leurs traditions puériles te dépassent. Ironie du sort ou coup de chance du destin, la personne qui t’accompagne dans ta miséricorde n’est autre qu’Alice. C’est au moins tolérable de ne pas être avec un inconnu. Surtout dans cette tenue. Enfin, si ton acolyte daigne se présenter à l’heure.

Il suffit de parler de l’ange pour en voir les plumes, l’intéressée entre dans le bâtiment, après avoir frappé, laissant claquer la porte derrière elle. Tu lèves les yeux au ciel, et te relèves difficilement, essayant d’éviter de marcher sur ton propre déguisement immonde. Tu sors de l’ombre pour rejoindre le champ de vision de de la jeune femme. Tandis qu’elle se déchausse, tu mets les choses au clair.



La tenue d’Alice n’est pas recommandable pour un enfant angélique. A croire que rompre avec ses origines est un exercice plus simple qu’il n’y paraît. Son costume ressemblerait presque à l’un de tes congénères. Tu apprécies l’ironie, si tant est que tu puisses apprécier quelque chose.

Assez parlé. Tu souhaites débuter au plus vite les investigations pour ne pas avoir à porter plus longtemps ces guenilles. Te souvenant de la mission exposée, tu choisis de mener Alice à travers les rayonnages en direction de la réserve, lieu où selon toi des créatures auraient raison de se cacher.

 

Tenant le chandelier dans ta main gauche, tu ouvres la voie de ta droite. Un frisson parcourt ton échine : une présence étrange hostile semble occuper ta destination. Il est temps de lui rendre une visite.

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Une fumée persistante à la fois noire et opalescente s’échappe de la réserve, à quelques mètres de ta position. Une ombre rampante lourde et mystérieuse, glissant sur le parquet dans toutes les directions. Comme une entité informe. Inutile de te dire que cette étrange manifestation te laisse de marbre. Quoi que soit cette chose, elle semble quitter la pièce vers laquelle vous vous dirigez. Tu sens l’aura de l’ange approcher la tienne, serait-ce une forme de peur ? Sondant les lieux de ton aura, tu ne perçois aucune présence particulière. Du moins, rien de divin. Tu ne sais point ce dont les humains sont capables en matière de diableries, mais tu doutes que leur chimie soit à ce point développée.

Des bruits alentours distraient ton attention. Des livres, des tonnes d’ouvrages qui s’effondrent des étagères en des craquements qui ressembleraient à s’y méprendre à des déchirements de chair humaine. Tandis qu’Alice tire sur ton déguisement, tu te retournes, constant d’une part l’anxiété commençant lentement à ancrer son visage, et d’autre part le torrent de connaissance s’abattre dans votre direction. Quoi que ce soit, cela se rapproche. Chaque mot porté engrange une réaction surnaturelle, un sursaut dans l’ombre ou un renforcement du torrent. Très vite, l’ange t’attire vers la réserve, visiblement anxieuse. Mais la porte est fermée à clé, impossible de l’ouvrir.



Tu n’as évidemment pas pensé à prendre ton arme, car un fourreau ne pouvait se disposer dans une tenue pareille. Tu choisis donc d’emprunter la manière forte, en frappant de ton épaule contre la porte. Le coup résonne dans toute la bibliothèque, et d’un coup d’un seul s’allument toutes les ampoules, en un flash lumineux supra-intense aveuglant. La porte ne cède pas, et les déchéances de livres s’accélèrent. Tu frappes une seconde fois, plus fort. Le flash est plus intense, le torrent redouble d’intensité. Alors tu frappes encore, forçant l’ouverture de la porte. Immédiatement, toutes les ampoules implosent et déversent sur les lieux une pluie de verre se mêlant aux livres en une cacophonie miroitante et éclatante.

Tu pousses Alice vers l’intérieur, et referme la porte derrière toi, vous plongeant dans le noir. Le vacarme dehors cesse, il ne semble plus y avoir de danger, mais il serait peu avisé de s’en assurer. En faisant un pas en avant, tu écrases quelque chose de visqueux sous ta chaussure. Tu lâche un grognement de colère. S’en suit le clignotement fébrile d’une loupiote contre le mur. Elle n’éclaire pas grand chose, mais suffisamment pour discerner que la réservé est bien plus grande qu’elle n’y semblait, et que ses murs sont recouvertes de toiles immenses et habitées.

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La pièce est remplie de ces créatures répugnantes. Des abominations velues et brillantes, dont les créations de fibroïne tapissent les murs avec une certaine ironie. Pas un son, juste le clapotis désagréable des pattes des araignées sur leur fil. Des clapotis fins, à peine audibles, mais réguliers, comme si chacune d’entre elle choisissait de se mouvoir dans cet espace pour trouver le meilleur plongeoir. Et sauter ? Alice n’échappe pas aux prédatrices, l’une d’elle se laisse tomber sur son crâne avant de terminer en pâté au sol, sous des coups de talons effrénés. Le sang vert visqueux de la bête se répand sur le sol. Pas un endroit où poser le pied sans écraser l’une de ses congénères. Au bout du compte, la réserve est un cimetière d’arachnées. Si toutes sont une meute prête à chasser, elles ne tarderont pas à sauter sur leur proie pour les dévorer.



Cependant, un étrange courant d’air froid et le cri de l’ange à tes côtés te signalent le contraire : le plus grand danger ne sont pas les araignées. Ton aura s’agite. Kâa, qui s’affairait à lécher le sang étalé sur le sol, se relève brusquement, il glisse auprès de toi, reniflant au passage ton odeur savourée, puis celle d’Alice qu’il accueille au rythme de sa cascabelle, avant de se figer dans une direction. Il suit de son regard ambré une ombre furtive. Soudain, un bruit de verre retenti, suivi par une déflagration. Le sang sur le sol donne naissance à une flamme vacillante mais imposante.

Toutes les arachnides, prises de paniques, quittent leur toile et tombent du plafond pour fuir la chaleur aveuglante. La plupart glisse sous la porte de la réserve pour rejoindre les étagères, d’autres périssent dans les flammes pour avoir mal jaugé leur chute. Certaines refusent même de se mouvoir, acceptant avec fierté leur pénitence. Toi, tu ne t’immobilises pas devant ce spectacle, et use d’un livre comme d’un torche, pour le jeter sur la grosse toile au bout de la pièce. Un deuxième fracas de verre résonne, quelque vous jette des flacons dessus ! Un nouveau brasier prend racine, manquant de peu ton costume ridicule.

Les flammes, un domaine que tu maîtrises bien désormais. Tu t’attendais à devoir chercher une solution pour échapper à leur morsure que soudain, un immense courant d’air balaie les lieux. Toutes les flammes sont cernées par le froid et s’asphyxient. Cette étrange bourrasque semble provenir du fond, là où s’étendait la toile. Tu ne connais pas ce passage étrange, mène-t-il quelque part ? Et que diable fait-il au plein milieu d’une réserve ?



La présence est absente. Où alors s’est elle réfugiée plus loin dans le tunnel ? Tu invites d’un geste franc la jeune femme à avancer. Tu n’as pas toute la nuitée pour résoudre ce mystère.

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Malgré son attitude inquiète et sa nonchalance concernant l’idée d’avancer la première, Alice se décide à céder à ta requête et ouvre la marche. Loin de toi l’idée d’être gentleman ou galant, ces concepts ridicules ne t’amusent guère à appliquer. Tu choisis plus particulièrement de rester en arrière, dans le cas où un nouvel invité essaierait de répandre des flammes dans la réserve. Toujours est-il que le chemin n’est pas très large, et que rapidement tes épaules touchent les murs. Tu n’as d’autres possibilités que de te recourber, faisant rejaillir des vieilles courbatures oubliées, et d’avancer dans l’obscurité. Sens en alerte, tu déploies constamment et contractes ton aura à intervalle régulière, pour sonder les alentours et discerner l’éventuelle présence d’une créature ou d’un tu ne sais quoi de bizarre qui serait assez fou pour se jeter dans tes crocs.

L’ange soudainement se retourne vers toi, les prunelles agitées. A peine le temps de te prévenir qu’un craquement retentit. Tu l’aperçois glisser, mais se rattraper in-extremis sur le rebord du gouffre désormais béant s’étendant sous ses pieds. Tu soupires. Décidément, cette jeune femme ne sait que s’attirer des ennuis. Avançant lentement jusqu’à elle, tu rabats brutalement la capuche de ton costume, qui commence à te tenir chaud outre mesure, et tend ton bras vers la demoiselle en détresse. Attrapant ses poignets sans douceur, tu la remontes suffisamment pour qu’elle puisse appuyer ses jambes contre le sol et terminer son ascension. En tirant, des craquements organiques résonnent depuis les abysses, tu ne saurais en prévoir l’origine.

Ce n’est pas vraiment de ton genre d’aider les autres, tu mets ceci sur le compte de ton créateur un brin trop niais. Repassant dans ton esprit les milles et une tortures que tu rêverais de lui infliger pour cette sortie stupide, tu te résous à l’évidence.



Cette fois, tu passes à l’avant. Tu refuses de cumuler les mauvaises expériences comme des cartes à jouer pour enfants. Revenant sur vos pas, tu constates que la porte de la réserve est grande ouverte. La fumée noire n’est plus présente, et aucun livre ne jonche le sol, pas même une page arrachée malencontreusement lors de la chute. Pas une seule trace des événements déroulées plus tôt. Ouvrant la marche, tu retournes entres les étagères.



Tes oreilles perçoivent un sifflement lointain mais omniprésent, semblant provenir de toutes les directions. Si une personne vous joue des mauvais tours, elle ne doit plus être loin. Et tu comptes bien l’attraper rapidement pour lui faire la peau et passer tes nerfs. Vérifiant qu’Alice est bien derrière toi, tu remarques que la réserve...n’existe plus. Un immense mur occupe désormais le repère dont vous venez de vous échapper.

(c) codage by Serfy

   

Tout semble être rentré dans l’ordre. Plus aucune manifestation atypique, plus de créature inadéquate au sein de la bibliothèque, plus aucun livre choisissant de mettre fin à ses jours sur vos têtes, ni même de crissement désagréable à l’oreille. Tout est tel qu’il serait aisé de croire : il ne s’est rien passé ici. Un calme plat, et une normalité presque dérangeante au vu des dernières heures au sein de ce bâtiment. Tu hésites à cogner ta main contre ta tête. Tu as du travail par-dessus la tête, et tu choisis de le perdre dans cet accoutrement ridicule à chasser des monstres d’histoires pour enfant au beau milieu de la nuit. De précieuses heures perdues inutilement, plus jamais tu n’accepteras d’être embrigadé par ton créateur incompétent dans une aventure de ce genre.

Lorsque qu’Alice s’approche de toi et pose sa main sur ton costume, tu la repousses rapidement. Pas de contact physique si tu les inities pas. Loin de toi l’idée d’apprécier des mains étrangères venir tripoter ta peau, même sans arrière pensée. Tu n’as jamais été le genre de personnage à envisager un gros câlin, ce qui contraste terriblement avec ton costume actuel. Ironie du sort ? Pour ce soir, tu penses que le destin s’est bien joué de toi, et tu le maudis d’avance pour les rumeurs qui pourraient courir à ton sujet suite à cette enquête infructueuse. Frustré qui plus est de n’avoir ni réponse, ni explications, tu finis pas soupirer. Inutile de chercher des raisons à cette gigantesque mascarade : l’exploratrice s’est amusée à essayer de vous effrayer. Ceci aurait pu fonctionner si tes systèmes émotionnels n’étaient pas inactifs. Au moins, la farce aura réussi sur Alice. C’est mieux que rien diras-tu.



A peine rentré, tu savoures déjà l’idée de pouvoir retrouver le calme légendaire de ton bureau et son atmosphère studieuse. La douceur du silence, la caresse de la lumière diffuse de ta lampe de chevet sur les papiers officiels, l’odeur de la cire chaude à apposer sur les missives. Un véritable plaisir que tu pourrais savourer si tes papilles n’étaient pas atrophiées. Tu quittes la bibliothèque et claques la porte brutalement derrière toi. Au moins, si quelqu’un souhaitera quitter les lieux, il ne le fera pas non sans mal. Ce que tu ne vois pas cependant, c’est la petite silhouette hybride aux grandes oreilles et à l’odeur d'eucalyptus qui disparaît dans l’ombre, visiblement satisfais de ses méfaits.

(c) codage by Serfy