Les Camicaz' - Cameron R. Ross & Casey Williams [Event de Saint-Valentin 2024]

Spoiler:

Aujourd’hui était le jour de la Saint-Valentin. Une fête que les humains semblent particulièrement affectionner. Il était amusant de voir comment ces êtres insignifiants semblent s’attacher à de vieilles traditions désuètes. Il était primaire d’associer le rapprochement, la copulation et la fuite de la solitude avec le retour du soleil et de la saison fertile. Cependant, il aurait été mentir à nous-même si nous pensions que ces primates étaient capables de faire mieux. Ils ne valaient pas mieux que des animaux et voilà qu’ils nous le prouvaient une fois encore.

C’était pourtant une occasion formidable pour nous d’étudier leurs comportements, et nous adapter à leurs habitudes. Après tout, ils étaient autant clients au Nocturne que le reste. Et le client était roi chez nous, y compris auprès de nos services les plus particuliers. Ainsi, il était important que nous ne négligions pas notre rapport avec cette espèce vulgaire et décadente. Nous avions pris le temps de nous préparer, et même de nous vêtir plus coquettement qu’à l’ordinaire, rien que pour l’occasion.

Tenue de Casey:

Une table était réservée pour mon rendez-vous et moi-même dans un restaurant non loin du Nocturne. Nous ne connaissons pas encore l’identité de notre prince charmant ou de notre dulcinée. Cependant, un tel mystère ne nous était pas désagréable. Après tout, c’était un changement assez incongru pour l’ermite que nous sommes. Nous sortons du Nocturne tel un vieil ours mal léché qui sortirait de sa tanière. Espérons que cela en valait la peine. Un pari aussi improbable devait forcément en valoir la peine non ?

Nous arrivons donc enfin à l’établissement. Un serveur nous accueille docilement, demandant le nom de la réservation, ainsi que l’heure de rendez-vous. Nous lui fournissons les informations nécessaires, d’un ton neutre et sans plus de cérémonies. Nous ne détections aucune aura divine dans la salle de réception. Tant mieux, c’était un luxe plutôt appréciable. Nous aurions moins à nous tenir sur nos gardes le temps de cette soirée.

Nous nous asseyons délicatement à notre table. Le jeune homme en charge de notre table nous demande si nous souhaitions déjà commander. Nous lui répondons poliment que nous souhaitons attendre l’autre personne, mais qu’une coupe de vin serait excellent pour patienter. Nous écoutons donc ses suggestions pour la soirée. Nous délibérons finalement jusqu’à un verdict sans appel. Un verre de Bouches-du-Rhône sera du plus bel effet. Amer comme la vie elle-même et ses tourments. Et on dit que le romantisme était mort !

Nous sommes partis de chez nous en nous basant sur les sonneries de l’horloge. Le restaurant étant proche, nous sommes plutôt en avance. Ainsi, il était encore prématuré de broyer tout le noir nécessaire pour notre rencard dans une nasse de pétrole dès son arrivée. Ce soir était un jour de réjouissances. Essayons d’en profiter pour une fois. Qui sait ? Peut-être pourrions-nous être surprise.

La soirée n’en était encore qu’à ses débuts. Nous savourions modérément notre verre ballon et son contenu. Les yeux fermés, nous nous concentrions sur les alentours, les conversations, les différents individus et leurs pensées. Tant de sentiments concentrés au même endroit, que s’en était enivrant… Notre talent de psychique se repaissait de ces bribes, comme nous de notre vin. Nous ne pouvions nous empêcher de laisser nos lèvres s’étirer en un sourire satisfait. Tous ces espoirs qui seraient déçus d’ici la fin de la nuit. Cela nous amusait au plus haut point.

Une présence supplémentaire franchissait alors les portes du restaurant. Nous percevions qu’il s’agissait d’un autre humain. Pourtant, ses mouvements étaient plus discrets. Ses pas sont prudents, ou timides, voire les deux. Qui sait ? Avions-nous enfin trouvé le semblant d’une personne qui soit digne d’intérêt dans cette cité ? Le nouvel arrivant patientait devant l’accueil, attendant qu’une des personnes du service déjà débordé daigne lui accorder l’attention nécessaire pour s’occuper de lui. La chose fut rapide et quelques instants plus tard, le nouvel arrivant était assis devant nous. Ces quelques minutes avaient pourtant été suffisantes pour aller fureter un peu à la lisière de ses pensées. Assez pour avoir quelques éléments à son sujet, comme son nom et quelques passe-temps. Et cela avait été assez court pour que cela ne nous fatigue pas démesurément.

Enfin assis confortablement face à nous, Cameron prenait le temps de prendre ses marques. C’est ce que nous déduisions de son silence et du frottement des tissus de ses vêtements qui s’aventuraient vaillamment sur la table. Avant de se saisir du verre qui était en face de lui, récemment rempli à son tour pour suivre ton exemple.

- Enchanté. Je suis pas très habitué au vin, mais j'vous fais confiance.

Sa voix était un peu basse, heureusement que nous avons l’ouïe fine. Nous aurions eu du mal à l’entendre dans le tumulte des discussions. Sa voix était pleine de tendresse. Elle était aussi teintée d’une certaine mélancolie. Serait-il hanté par des mauvais souvenirs ? Notre sourire s’élargissait un peu plus, laissant entrevoir nos dents pointues. Nous humons notre verre à nouveau avant de profiter d’une petite gorgée supplémentaire.

- On a déjà émis de nombreux qualificatifs pour commenter une rencontre avec moi. « Enchanté » en est un que je n’entend que trop rarement. Cependant, je pense que cette soirée avec toi sera des plus captivantes, Cameron. Enchantée de même, je m’appelle Casey, Casey Williams. Rare sont ceux qui m’ont fait confiance, et plus rare encore sont ceux qui ne l’ont pas regretté.

Nous levions notre verre à la santé de notre proie de ce soir. Ce pauvre enfant semblait si innocent.

- À cette nuit et ses aventures ! Qu’elles soient des plus intéressantes. Nous marquions une légère pause en souriant. Qu’elles soient source de plaisir, pour toi, comme pour moi.

Nous entendons la respiration du jeune homme s’altérer alors qu’il prend une nouvelle gorgée et nous aurions pu jurer avoir entendu ses dents grincer avant qu’il repose son verre sur la nappe. Nous en déduisons que le vin n’est pas à son goût. Il fallait un palais expérimenté pour en apprécier les subtiles fragrances et aller au-delà de ses premières notes amères. Un peu comme nous finalement. Le parallèle nous amuse.

- Je suis désolé de savoir que vous avez pas l’habitude que les autres sachent apprécier votre compagnie. J’ai l’impression que cette ville rend tout le monde méfiant et hostile. C’est… bizarre. Heureusement, on croise parfois certaines personnes dignes d’intérêt qui tombent un peu les masques. On se sentirait bien seul si c’était pas le cas.

Une réflexion des plus pertinentes. Nous avions donc raison, comme à l’accoutumée, de penser que Cameron était une personnalité de choix pour une soirée comme celle-ci. Nous fîmes tourner notre vin au sein de notre verre en soupirant.

- Il est vrai que cette ville n’est pas propice à la confiance et à la prise de risque. Difficile de jauger les intentions de chacun dans une ville où tous et toutes sont des âmes damnées. Te ferais-tu confiance à toi-même si tu devais te rencontrer sans te connaître ? À mon sujet, je sais que la réponse est négative.

Le service est pile à l’heure pour sauver le jeune homme de notre cynisme. Tu prends le temps de la commande et de la panique du jeune humain pour demander à la serveuse les suggestions du chef. La carte n’étant pas en braille. Celle-ci nous dirige vers une bavette sauce échalote avec une julienne de légumes. C’était très bien.

- Pourriez-vous également ajouter une carafe d’eau ainsi qu’un cocktail sucré pour mon ami ? Une tequila sunrise ou un sex on the beach ferait très bien l’affaire si vous en avez.

La serveuse nous notifie d’une affirmation polie avant de repartir à son travail. « Je vous remercie », ajoutons-nous sur son départ. Notre attention se reporte ensuite à notre rendez-vous. Cameron nous semblait être une force tranquille dont les pensées bouillonnaient en permanence. Nous pouvions sentir d’ici son malaise et les vapeurs noirâtres d’un esprit tortueux et torturé parvenaient jusqu’à nos narines. Nous n’aurions pas pu nous en moquer plus que ça même si nous le voulions.

Une partie de nous se délectait de ces tourments auto-centrés. Comme si ce petit être insignifiant pouvait être l’unique source d’une soirée gâchée. Se rendait-il seulement compte que la seule chose qu’il ruinait était sa propre expérience ? Probablement pas, les humains ont le don de se contempler le nombril, en bien comme en mal. Cela nous plaisait, une certaine perspicacité se dégageait des réflexions du jeune homme, comme une fraîcheur que nous aurions oublié depuis des lustres.

Le jeune homme est un rafraîchissement bienvenu. Une petite perle de surprise dans la prévisibilité barbante de cette ville. Sa présence et ses hésitations nous rappellent nos débuts. Au moment où nous venions de découvrir nos pouvoirs. La question de la mesure et de l’abus, de la place et de la vocation. Il était désespérément en quête d’une âme qui le comprend. Cela le fera tellement souffrir. Ce sera des plus divertissant lorsque cela arrivera. Pourtant, une certaine lucidité semble le garder de ses envies les plus déraisonnables, que nous soupçonnions nombreuses. De la potentialité et de l’imprévisibilité, deux éléments qui ne pouvaient que nous ravir dans une soirée comme celle-ci. Nous nous délections de ce moment. Nous posâmes notre verre à nouveau.

Entre quelques tâtonnements du bout des couverts, nous arrivions à nous sustenter. Le repas était divin. La viande saignante fondait délicatement sur notre langue, emplissant notre palais d’un jus fort savoureux. La question posée par Cameron nous plut. Malgré nos tentatives pour le déstabiliser, nous n’avons qu’attisé sa curiosité. Nous n’aimons pas ce trait de caractère. D’ordinaire, nous nous serions vexée pour une telle tentative d’intrusion. Mais nous nous amusions avec notre proie. Nous pouvions bien lui pardonner cet écart momentané.

- Pas assez à mon goût, mais trop pour en espérer quoi que ce soit. Tant que mes affaires sont florissantes, j’apprécierai mon temps passé ici. Si je ne m’abuse, cela doit faire maintenant la moitié d’une année... J’ai l’impression que cela a duré presque une décennie...

Les légumes étaient fondants à souhait et le mélange des saveurs se compensait parfaitement avec le vin rouge. La touche d’amertume assez prononcée du vin s’équilibrait avec la rondeur de la viande, l’acidité de la sauce et le parfum des légumes et des herbes. Nous passâmes ainsi quelques instants sans nous dire de mots avec Cameron. Appréciant tous deux nos plats. Entre deux coups de fourchette, nous prîmes le temps de nous adresser à nouveau au jeune humain.

- Et toi ? De mémoire, tu n’es pas arrivé il y a si longtemps. Après moi en tout cas, ça, c’est une certitude. As-tu fait des rencontres intéressantes depuis ton arrivée ici ?

Notre ton était neutre pour correspondre à l’intonation du garçon. Sa vie misérable et sans importance n’allait pas nous donner de grands espoirs. En revanche, il était toujours intéressant de savoirs quels divins faisaient la chasse à l’humain de nos jours. Qui sait ? Peut-être pourrions-nous même organiser des rencontres. « Vous aussi venez trouver votre humain à corrompre/sauver ». Peut-être même pourrions nous faire payer les plus crédules pour accéder à ce genre de services. C’était une très bonne idée, peut-être allions-nous la développer ultérieurement. La création de Tops’art nous sera d’ailleurs d’une grande utilité dans cette entreprise. Nous nous promettons d’explorer cette piste plus tard.