Epreuve 5 - NO HØPE

No Hope:

Elysian:

Le cœur des hommes renfermait milles merveilles, trésors et indécentes trouvailles. La jalousie s’érigeait au même titre que la haine – et il n’y avait entre amour et obsession qu’une fine ligne facile à franchir. Entre ses mains, une clé étrange trouvée, tenue entre ses doigts témoins de tant de batailles, de tant de hargne et de rage, d’une volonté propre à trouver réponse. Mais est-ce que la ténacité était toujours bonne augure, bonne compagne ? N’était-ce pas cette tendance à la persévérance qui entraînait conséquences parfois si grandes qu’elle ne pouvait que ployer sous leur poids immense ? Souffle mourant sur des lèvres asséchés, et son regard fixé sur cette découverte étrange. Il lui avait semblé s’être aventurée dans cette brume comme autrefois, retraçant des pas qui avaient été effacés, dont elle peinait à retrouver les mémoires à leur sujet. Elysian n’écrivait pas. Elysian ne rédigeait pas. Laissait dans la brume tous souvenirs des excursions illégales.
Elle n’aurait pu songer un seul instant tomber sur une vielle clef, encore moins en ressentir toute la puissance – cet instinct qui, soudainement, s’éveillait. Hurlait de courir, de poursuivre, la recherche d’un mystère enfoui. Une révélation tant attendue, poursuivie, recherchée. Elysian n’avait jamais désespérée. Animée d’une rage à n’en plus finir, un incendie d’émotions brûlant dans ses veines, tâchant de rouge sa vision quotidienne. Était-ce la délivrance souhaitée ? Celle qui effacerait la brume les maintenant prisonnier, révélant leur vie cachée, arrachée à leurs mains peut-être souillées de sang, ou peut-être bien trop pures pour qu’on puisse y penser ? Était-ce là ce qui briserait la malédiction qui s’était abattue sur eux ? L’objet laissé en ces lieux par Lui, leur ultime épreuve pour que les ailes de la liberté se déploient et leur offrent cette existence qui les attendait sagement.

Elle pouvait jurer de s’être aventurée dans cette brume, puis d’avoir vu cette entrée… qui menait vers cette grotte aux couleurs miroitantes, si belles, et pourtant, si irréelles. C’était Son œuvre sans aucun doute. Elle L’avait renié, ne pouvait nier la beauté de Ses créations. Dans cette bataille contre elle-même, mais surtout contre le monde entier, contre tous ceux qui l’entouraient et se complaisaient dans la situation, elle oubliait Son talent. Entre ses mains, la clé portait l’apparence du temps passé, des époques effacées, oubliées, délaissées. Un retour dans le temps intriguant, elle se devait de l’admettre. Cette clef avait toutes les apparences d’un poids imposant et se retrouvait néanmoins légère. Elle semblait être forgée dans un métal étincelant, et dans sa simplicité, se démarquait par une petite pierre précieuse sur sa tête carrée. Les dents étaient étranges, plusieurs petites piques, une bonne dizaine de petites piques constituaient les dents. Elle craignait presque de s’y blesser. Qu’est-ce que cette clé révèlerait, quels secrets renfermaient-elles ?

Elysian se laissait porter par la rage, poison puissant consumant tous ceux sur son passage – maître du chaos et des dommages collatéraux – si souvent qui lui semblait presque impensable de laisser autres émotions s’emparer du rôle de guide. Et pourtant. En cet étrange instant, coupée de la brume cruelle et insondable, elle se retrouvait à écouter l’instinct qui s’éveillait au contact de cette clé. En la regardant davantage, elle réalisa qu’aucune trace de rouille n’était présente. Étrange, considérant que la grotte dans laquelle tous deux se trouvaient était emplie d’une humidité étouffante, aussi dérangeante que pouvait l’être la brume envahissante.
Se lever, se secouer le pantalon où des poussières s’accrochaient obstinément. L’aventure attendait ceux qui venaient de se retrouver – une anarchiste et une clef. Un duo étrange qui ne pouvait se comprendre, mais qui semblait être parfaitement fait l’un pour l’autre.

Cette clé était la pièce manquante. Elysian ne pouvait expliquer la certitude qui s’était abattue sur elle, simplement s’y accrocher avec le désespoir d’un mourant, refusant de la laisser s’en aller, prête à parcourir l’étendue de la brume pour trouver. Trouver le mystère. Trouver la réponse.
Alors qu’elle s’apprêtait à sortir par où elle était entrée, un murmure se fit entendre tout près de son oreille, la poussant à détourner la tête… Pour apercevoir un petit chemin qui était passé inaperçu tout ce temps. Sans attendre, elle s’y engouffra. L’inconnu possédait un attrait, un charme, qu’elle ne pouvait nier.
Elle voulait que cette clef soit tout ce qu’elle avait attendue pendant des mois, coincée dans ce trou à rats, aux côtés d’insulaires tous aussi insupportables les uns que les autres. Elle désirait obtenir des réponses pour conforter son cœur malmené, et expliquer les cicatrices parcourant son corps entier. Qui l’attendait, là-bas ? Quelle famille avait-elle ? Un amour, peut-être, avait refait sa vie en ce demandant où elle avait disparu, espérant revoir son visage sur le cadre de la porte un jour ou l’autre. La police avait peut-être fermé son cas, sans trouver de réponses, assumant qu’elle avait simplement fuit… ou le plaçant en tant qu’affaire non-résolue en se questionnant. Elle avait besoin de croire que quelque part, quelqu’un priait tous les soirs pour la revoir. Parce que si ce n’était pas le cas, Il l’avait condamné au courroux de l’enfer. Et pourquoi ? Elle devait au moins les actions posées pour mériter tel châtiment éhonté, avant de le renier pour l’éternité.

Parcourir les chemins d’une grotte jamais découverte auparavant était aussi enivrant qu’effrayant. Elysian portait encore sur son dos la cicatrice du dernier événement que la brume lui avait réservé : un instant aux apparences oniriques et aux conséquences réelles pendant lequel elle avait combattu des monstres qui voulaient la voir enterrée. Tenant délicatement la clé dans ses mains abîmées, ayant connu violence, mais jamais tendresse, Elysian sentait son cœur battre si fort dans sa cage thoracique. Combien de salles avait-elle vu passer en ces minutes défilant si rapidement ? Aucune n’était la bonne. Elle le savait. Elle le sentait. Et puis, elle se matérialisa. Elysian venait de sortir d’un couloir quand la vague de certitude l’avait fait perdre l’équilibre, prenant appui sur le mur à sa droite pour ne pas tomber. La clef semblait presque vibrer dans ses mains alors qu’elle s’était approchée de la petite table au centre. Quels pièges attendaient la femme ? Précautionneusement, elle s’était approchée puis assise sur la chaise en observant la plume et l’encre qui n’avait étrangement point séché. Les époques avaient passé, mais il avait laissé cette pièce dans une bulle spatio-temporelle. Elle sentait la présence de tous ceux qui furent ici auparavant ancrée dans l’ambiance lourde, néanmoins apaisante. Fermer les yeux quelques instants. Elle n'avait jamais manqué de courage, là n’était pas le problème. Pour la première fois, elle se sentait libérée du feu ardent continuel qui la poussait à tout détruire, tout rejeter, tout brûler. Elle se délectait de la paix si rare, si précieuse, qui coulait en elle présentement.

Puis, elle ouvrit la paume de sa main et déposa la clé tout près du livre qui trônait sur cette table. Il était l’heure. Comment un livre pourrait être ce qu’elle avait toujours espéré, cette réponse sur l’île qui les avait enlevés de leur existence d’antan ? Elle ne voyait pas. Pourtant, il était impératif d’ouvrir ce livre aussi vieux et aussi bien entretenu que la clé qui était désormais à ses côtés. Elle prit délicatement la clef pour en ouvrir le cadenas qui gardait le livre loin des yeux indiscrets. Une respiration – puis elle ouvrit la page de couverture… pour se retrouver sur une page de recette de brownies aux pacanes. Ce qui se trouvait entre ses mains n’était rien de moins, rien de plus, qu’un livre renfermant milles et unes recettes partagées au travers de toutes les années par ceux qui avaient trouvé cette grotte. Elle aurait dû sentir la déception et la colère prendre le dessus, mais toutes les connaissances qui se dégageaient de ce livre la poussaient à demeurer calme. Elle feuilleta l’ouvrage imposant, aux pages jaunis et aux coins cornés, lisant toutes les annotations amenées aux recettes. Des modifications, sur la quantité, la méthode. Ici, coupée de tous les autres, Elysian pouvait interagir directement avec ceux qui étaient passés. Ceux qui avaient laissé leur trace, d’une façon aussi innocente qu’au travers de la cuisine. Elle prit la plume, la trempa dans l’encre, avant de prendre une page vierge et d’y ajouter sa pierre à l’édifice – elle entreprit d’ajouter la recette d’un poulet cari aux poivrons. Une recette simple. Elle prit le temps également de biffer quelques informations sur d’autres recettes, échangeant ses propres apprentissages avec ceux du passé, et ceux du futur. Ici, une bulle les entourait. Et ils échangeaient entre les époques.

La connaissance était une précieuse offrande. Et ils avaient tous décidé d’interagir les uns avec les autres, offrant la possibilité à tous de savoir, d’apprendre, d’enrichir leur quotidien par de nouveaux savoirs. Au final, Elysian préférait presque cette découverte à la révélation rêvée depuis qu’elle était arrivée. Peut-être déplorait-elle simplement ne pas avoir pu communiquer directement avec tous ceux étant déjà venus. Mais une interaction interposée était toujours mieux qu’aucune.
« Merci. »