[EVENT] Lune Rousse - Asen Raum

L'heure est déjà tardive, mais pour une raison qu'il ne s'explique pas, il ne se trouve pas dans son lit. Couché après une journée bien remplie, le démon s'était endormi à l'heure habituelle, son esprit et son corps rompus à une discipline que plus rien ne venait entacher depuis de nombreuses décennies maintenant. Un sommeil sans rêve l'avait emporté, pourtant Morphée avait été obligé de lâcher son fardeau alors même que la nuit avançait. Comme un appel silencieux, Asen avait lentement rouvert les yeux. Comme un appel silencieux, il s'était lentement redressé, guettant les bruits de la nuit... Nulle voix, nulle musique, nul son inhabituel et pourtant... Mu par une étrange sensation, poussé par son instinct qui le tira du lit alors qu'il était encore à moitié endormi, il se dirigea vers la porte en s'attendant à trouver quelqu'un derrière, poussant lentement le battant sans éprouver pourtant la moindre crainte ni même sans faire preuve de la plus élémentaire des prudences. Personne.

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Ulrich le regarda sortir de l'appartement en penchant la tête de côté, ne cherchant pas à retenir son maître d'un miaulement qui aurait peut-être pu le sortir de cette torpeur. Guidé, encouragé par il ne savait quoi, le Dendrobate se mit à remonter sa rue, pieds nus, avec pour seuls habits un pantalon de coton noir et un débardeur blanc. Le froid ne l'atteignit pas encore tandis qu'il se dirigeait vers la sortie de la ville, passant les dernières maisons en regardant droit devant lui, comme dans ces vieux rêves d'autrefois où il suivait une ombre qui l'emmenait hors de la forteresse familiale, jusque dans les plaines infernales désertiques et désolées. Ce sont comme des fantômes du passé qui semblent danser dans les orbes couleur de glace alors que les pas de l'homme de haute taille le mènent à travers la végétation des extérieurs de Damned Town, puis soudain une brise plus fraîche que les autres lui tire enfin un frémissement en entrant en contact avec la fine pellicule de sueur qui recouvre désormais sa peau. Depuis combien de temps marche-t-il ? Vers où ? Pourquoi ? Il l'ignore, mais le Démon ne s'arrête qu'une fois arrivé face aux sources chaudes, lieu où il ne s'était toujours pas rendu depuis son arrivée dans ce coin de l'univers. L'endroit est calme, de ces calmes apaisants qu'il apprécie d'ordinaire et recherche toujours lorsque son esprit s'agite. Le clapotis de l'eau, la vapeur qui s'échappe des sources et qui contraste avec la fraîcheur de la brise nocturne... Cela lui rappelle la fraîcheur des pierres de la forteresse comparé à la chaleur écrasante de celles qui enduraient la morsure du soleil, sur ce territoire maudit où son frère règne sans doute désormais en vulgaire tyran de moyenne envergure. Lentement Asen se remet en marche, longeant les sources qu'il observe avec attention, le fil de sa vie se rejouant devant ses yeux clairs qui ne se fixent sur rien en particulier en-dehors des remous de l'eau à quelques pas de lui. Tiens, cela lui rappelle la fois où ils avaient fait bouillir ce démon vivant pour servir d'exemple.

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Le Dendrobate s'arrête de nouveau, un frémissement parcourant une fois encore son corps, une de ses mains venant machinalement frotter le haut de son bras, la pulpe de ses doigts accrochant une ancienne cicatrice laissée par un ennemi sur le champ de bataille. Son regard dévie des sources pour se poser dessus en un léger froncement de sourcils. Depuis quand l'a-t-il celle-là déjà ? Bah, cela fait si longtemps de toute façon, qu'elle importance ? Ses yeux dévient une fois encore, se baissant sur ses mains qu'il observe, happé soudain par d'étranges pensées, à mesure que les souvenirs remontaient à la surface, tout comme ces bulles bouillantes crevant la surface de l'eau.


"Toi tu serais incapable de tenir tête à un chasseur et c'est à peine si tu tiendrais face à un déchu !"

"Ne me provoque pas Asen ! Tu n'es pas en état d'encaisser mes coups."

"Il serait peut-être temps que vous avanciez un peu non ?"

« Comment s’appelle ton unité ? »

"Lieutenant Raum, en tant que représentant des Dendrobates, et soldat de la Horde Draconique, j’ai fais importer des Enfers ce petit quelque chose. Prends en soin.


"Tu es né pour moi Asen, tu es mon fils adoré."

"Vous êtes sûr que c'est ce que vous voulez, Raum ?"


Le Démon serra les poings, la mâchoire se crispant violemment alors que son aura se propulsait soudain hors de l'enceinte de son corps où il la gardait toujours si soigneusement dissimulée. Tel un vent glacial, elle balaya l'air autour de lui, claquant contre les arbres et les roches alentours, s'agitant en un tourbillon furieux empli de pointes de glaces acérées, pour finalement revenir danser autour de son propriétaire en un lent mouvement teinté de mélancolie. Les Enfers lui manquaient, son unité aussi, les quelques amis frères d'arme qu'il avait laissé derrière lui également. A force de décennies de travail acharné, il s'était construit une existence qui lui convenait, mais il avait pourtant décidé de faire passer son devoir avant son confort personnel. Ici il avait trouvé un apprenti, une nouvelle recrue prometteuse qui lui rappelait par moment celui qu'il avait été, instinctif et désireux d'en découdre, de faire ses preuves, d'appartenir à quelque chose de plus grand, de plus puissant, de plus solidaire aussi. Les poings s'abaissèrent et se desserrèrent, l'aura retournant définitivement à l'abri dans l'enceinte du corps d'Asen qui s'approcha du bord d'une des sources, s'asseyant en tailleur face à l'eau fumante, ses avant-bras en appui sur ses genoux. Longue est la route menant à la victoire, mais il ne doute pas, alors pourquoi se sent-il parfois aussi... seul ?