Epreuve 5 - CONTRASTE

Drew Beckman:

L'adrénaline le transportait comme une langue de lave s'écoulant d'un volcan, intimidant l'équipe adverse de sa sauvagerie sans égale à chaque dribble martelé sur le terrain. Il déchaînait sa fougue et son ardeur, marquant le fossé grandissant entre les points qui déferlaient sur le tableau tel un signe de victoire absolue, s'entêtant à creuser l'écart pour montrer à quel point, son niveau dépassait le leur. L'assurance d'un homme pour toucher le succès dont il rêvait chaque nuit, jusqu'à l'obséder. L'hérésie s'emparait de cette machine organique qui le propulsait sur les hauteurs, alliant des capacités redoutables comme la vitesse d'une bête enragée, la dextérité d'un fauve et la puissance d'un avion de chasse. Son mental s'articulait pour mieux évincer ses rivaux, les poussant dans leurs retranchements sur une tactique de démoralisation complète et totale, pour mieux cueillir leur désarroi.

Ils n'avaient aucune chance de gagner. Très fière, l'équipe de Lifelam rejoignait les vestiaires sous une déferlante de félicitations. Mais quelque chose clochait. Si l’enthousiasme touchait ses camarades comme une fièvre contagieuse, le capitaine, lui, affichait ce visage serré et impassible. Tyler lui jeta un coup d'oeil et lui donna un petit coup de coude dans les côtes « Qu'est-ce qui t'arrive champion ? Tu devrais être content, t'as tout explosé ! » Drew restait muet un moment, « Sûrement » A vrai dire, il ne saurait dire lui-même pourquoi il demeurait si indifférent à cette victoire. Qu'est-ce qui n'allait pas ? Cela ne lui ressemblait pas. Il s'asseyait un moment sur un banc, laissant ses coéquipiers se laver de leur côté pendant qu'il se perdait dans ses pensées. Pourquoi est-ce qu'il ne ressentait rien ? Cette absence l'inquiétait, le front creusé par un froncement de sourcils sévère. Il s'écoulait bien un quart d'heure tandis qu'il restait toujours là, immobile, soudainement arraché à sa torpeur tandis que son ami le saluait avant de partir. Sa paume passait sur son visage froissé par l'incompréhension. Il avait l'impression que son cœur ne réagissait plus à ses prouesses. Pourquoi ? Un soupir franchissait ses lèvres alors que le grand homme se levait enfin pour se nettoyer. Une douche lui remettrait peut-être les idées en place. L'eau avait le don d'être salvatrice et revigorante, pourtant, ce moment d'intimité ne lui octroyait pas de réponse. Il cherchait, fouillait, tentait d'analyser à cet instant, ce qui pouvait bien lui manquer pour demeurer aussi peu extatique. Lui, dont l'arrogance frôlait habituellement les sommets.

Alors qu'il enfilait une serviette autour de sa taille pour sortir, un scintillement attirait son attention. C'était là, posé sur le coin du lavabo. Ses paupières se plissaient puis il s'approchait pour se saisir de l'objet perdu qui trônait sur le blanc immaculé de la céramique. Sa tente penchait légèrement sur le côté, intrigué « Une clé ? » Le basketteur regardait un peu autour de lui, comme pour chercher son propriétaire qui serait peut-être encore dans les environs. Mais il était seul. Il décidait alors de s'en saisir entre ses doigts, remarquant tout de suite son originalité. Elle ne ressemblait pas à une clé de voiture, ni de casier ni même d'appartement ou de maison. Non. Elle semblait même tirée tout droit d'un grimoire de sorcellerie. Toute dorée. Drew la manipulait toutefois avec précaution, l'observant d'un peu plus près. Elle était d'une taille plutôt imposante et faisait bien son poids. Pour sûr, même s'il n'y connaissait pas grand chose, il s'agissait véritablement d'un matériau pur. Cela lui rappelait la clé d'une sorte de coffre fort. En son bout, elle était ornée d'une pierre d'un bleu profond, similaire à la couleur de ses prunelles, tenue entre deux crocs. Intéressant. Il la levait pour regarder en travers du joyau mais la lumière de l'éclairage ne semblait pas pouvoir s'y engouffrer. Comme une pleine nuit opaque qui absorberait les rayons de la lune. Il la tenait encore sous ses pulpes et en y regardant de plus près, il pouvait y déceler une phrase gravée dessus. Un langage qui lui était inconnu mais qu'il tentait de formuler « aes nunni puisconx Xenùm » murmurait-il entre ses dents. Par curiosité, il cherchait une traduction sur son téléphone mais n'obtenait pas de résultat « Franchement j'y comprends rien » Machinalement, il la reposa là où il l'avait trouvé. Quelqu'un d'autre saurait en faire son affaire. Mais alors qu'il tournait les talons, un bruit raisonnait subitement, un cliquettement. Il se retournait vivement pour remarquer que la clé se mettait à trembler, comme mécontente d'être ignorée « C'est quoi ce bordel... » Il revenait au lavabo à nouveau et plaqua sa paume dessus pour l'arrêter « Sérieusement, qu'est-ce que... » Drew poussa un cri de surprise. Une décharge électrique venait de le piquer. Énervé, il s'en saisissait en la fixant comme si elle venait de l'insulter. Et soudainement, il les entendait. Des murmures. Des murmures incompréhensibles. Il était pourtant toujours aussi seul, vérifiant une seconde fois. Cependant, il en conclut bien vite que c'était -dans sa tête. Quelqu'un ou quelque chose cherchait à communiquer avec lui. Une voix rauque. Des grognements. Un animal. Oui, ça lui faisait penser à un animal. La tentative de connexion se faisait plus grande à mesure qu'il écoutait. Plus forte. Plus sonore. Son intuition, plus que sa raison, le poussait à mener la clé vers son front. Dans son front. Il obtempéra et.

Et.

Entité:

« Je te reconnais bien là. Toujours à ignorer les signes même lorsqu'ils sont sous ton nez » Ses rétines s'écarquillaient d'un effroi bien palpable tandis que son premier réflexe fut de reculer instinctivement. Une bête énorme se dressait derrière lui. La gueule ornée de crocs saillants et mortels. Une créature qui avait toute l'allure d'un loup gigantesque mais qui appartenait très clairement à un autre monde « Ne me regarde pas comme ça, espèce d'abruti » « Je... Vous êtes quoi et je suis où ? » « J'incarne l'Essence qui brûle dans tes entrailles. Je suis l''Entité de la Puissance. Xenùm. Je suis Toi et tu es Moi. Nous ne sommes qu'Un. » De quoi, est-ce qu'il parlait ? La masse imposante sauta pour le rejoindre, faisant trébucher le malheureux qui en tombait par terre « Je t'ai appelé pour te mettre en garde, Drew Beckman. Nous sommes promis à un avenir brillant mais Nous sommes en train de nous éteindre » Il ne comprenait pas. Rien du tout « Qu'est-ce que ça veut dire ? » « Tu es peut-être un brillant sportif mais comme tu n'es pas pour autant une lumière, je vais t'expliquer » Il posait son arrière-train, claquant l'air de son immense mâchoire, ce qui le fit sursauter « L'ennui. La lassitude. Tu as dû la ressentir » Ah, c'était donc cela. Il hochait lentement la tête « Nous sommes promis à un grand Destin. Nous avons tous les deux la Force et la Rage de réussir. C'est ce que tu veux, devenir le meilleur basketteur que cette maudite planète ait connu ? » Drew restait muet mais en son for intérieur, cette présence, il l'avait toujours ressenti quelque part. Mais il n'aurait jamais imaginé qu'elle puisse avoir une telle forme, aussi écrasante et farouche -tout comme lui « Je me réincarne dans l'esprit d'un Homme avec la volonté suffisante pour m'abriter, qu'importe le prix. Ta Passion est ce qui me nourrit. Elle est ce qui Nous nourrit » Ses oreilles se mettaient à bouger, toisant le garçon de toute la magnificence de ses yeux mauves « Je t'ai choisi Toi, le mortel. Alors pour faire me faire honneur, je te demanderai à l'avenir de te bouger le cul et de ne pas te laisser dévorer par cette pétasse d'Ennui » Ses cils se mettaient à battre plus rapidement. Un Dieu parlait vraiment de cette façon ? Puis un hurlement terrible déchirait l'environnement à tel point qu'il devait plaquer ses mains sur ses oreilles « Ca va ! Ca va ! J'ai compris ! » « Chaque chose arrive en son temps, Drew Beckman. Savoure chaque victoire qui te rapprochera petit à petit de la Gloire. Tu dois te montrer humble et prendre le temps nécessaire pour atteindre la Flamme. Je ne suis pas non plus d'un naturel patient mais l'expérience démontre qu'il ne faut pas confondre vitesse et précipitation » Drew baissait les yeux. Il était téméraire et fonceur. Il avait toujours la sensation d'être retenu par des épreuves et s'en trouvait frustré, alors qu'il était capable. Il en était sûr « Moi aussi, j'en ai l'assurance » répondait l'entité comme pour rebondir sur ses propres pensées « Mais n'oublie pas : chaque chose en son temps. Profite de chaque succès, aussi minime soit-il. Compris ? Allez. Tu peux disposer. Ne me déçois pas » « Mais attends... Attends ! » Le loup ouvrait sa gueule pour pousser un terrible hurlement digne d'une tempête tropicale qui le propulsa littéralement dans un Néant qui l'avalait d'emblée.

Pour revenir dans les vestiaires, comme si rien ne s'était passé. Néanmoins -la clé, elle, avait subitement disparu.

Codage par Libella sur Graphiorum