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Épreuve 6 - Raziel

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MessageSujet: Épreuve 6 - Raziel Épreuve 6 - Raziel  EmptyLun 14 Fév - 18:25

Raziel A. Flynt

Mot tiré : Fantôme

Crimson Hope:


Raziel:
 

« Dans une heure, trente minutes et cinq secondes, la tempête frappera. Mais un vent de sable va s’élever dans exactement 4 minutes, deux secondes. Alors je me mettrais à l’abri à votre place. »

L’apocalypse avait sonné. Depuis un moment, ils s’en sauvaient, mais elle les avait rattrapés. Si souvent imaginé intouchable, extension même du bras du Seigneur, Ange de la mort apportant les pécheurs aux portes pour leur Jugement dernier, il se retrouvait démuni quand son tour s’approchait. L’appel s’était coupé, il avait fermé les yeux, posé sa tête dans les paumes de ses mains, respiré profondément avant de se lever pour aller chercher un café. Dans la salle de repos se trouvaient d’autres opérateurs.
« Bonjour tout le monde ! » Il souriait. Il souriait toujours, n’avait jamais cessé – ne pouvait laisser son sourire s’effacer. « Raziel… » Leur compassion l’épuisait. Il voulait leur hurler de cesser leurs petits yeux tristes et de continuer leur travail. Il le faisait bien lui !
« Oui ?
– Tu n’es pas obligé de faire ça.
Faire quoi ?
– Faire comme si rien ne s’était passé.
Vous ne comprenez rien. »
Et la porte qui claqua, et son café dans ses mains, brûlant, réconfortant. Ils ne comprenaient pas, ils ne pouvaient pas comprendre. Ce n'était pas leur devise à eux, c’était la leur. À Samuelle et lui. C’était la devise que sa grande sœur lui avait inculquée, c’était tout ce qui lui restait, tout ce qu’il possédait.

Toujours servir avec le sourire, telle est notre devise !  S’il ne la faisait pas vivre au travers de lui, qu’est-ce qui pourrait bien lui rester, à lui ? Le champ de bataille lui avait tout pris. Son amour et sa famille. Pourquoi? La question restait. Ils étaient la main du Seigneur, le prolongement même de son arme, ils étaient leurs envoyés. Mais Il avait rappelé sa sœur à lui, dans quel but ? Il abandonnait Raziel ici-bas sans rien de plus que la douleur résonnant dans son être entier. Il étouffait. Il n’avait pas besoin d’eau pour s’asphyxier, l’oxygène ne parvenait plus à lui offrir la capacité à respirer.

Il se noyait. En permanence. Les informations s’entassaient dans son corps et il ne savait plus comment les transmettre, sa lumière s’était éteinte et son auréole avait palie. Quand est-ce qu’Il allait le rappeler à ses côtés également ? L’avait-il puni du seul instant où Raziel avait dévié du chemin tout tracé par Lui ? Ce moment où l’amour avait pris le dessus, où le mariage dans un monde en perdition avait semblé si dérisoire qu’il pouvait être ignoré.
Il avait cru que cette faute avait été expiée quand elle avait été rappelée à Lui. Il croyait qu’il avait suffisamment déjà payé pour son écart de conduite, alors pourquoi encore, encore plus ? Il y avait-il seulement une fin au purgatoire ? Raziel comprenait parfaitement que Ses sujets devaient être irréprochables, que leur objectivité était tout ce qui était nécessaire et que suivre les décisions suprêmes étaient de la plus haute importance. Bien entendu. Pour autant, les fautes expiées ne devaient pas voir leur châtiment renouvelé à perpétuité.

« Raziel ?
Hm ? Oh. Bonjour !
– Je t’appelle depuis une minute déjà… Il y a une mission à Ursus… t’es sûr de pouvoir assumer ?
Oui oui. Tout va bien chef ! Je me prépare. »

Le commandant supérieur ne semblait pas convaincu, mais ne vit pas d’intérêt à insister; laissant une vague de soulagement envahir l’opérateur. Il avait repris le rôle de sa sœur. Opérateur des opérations spéciales, toujours en tête d’une équipe, plus souvent sur le terrain qu’à répondre aux appels, Raziel était aussi réputé que l’était Samuelle. Que le serait toujours Samuelle. Tous deux avaient fait leur nom, et tant de fois, les rumeurs avaient couru qu’ils seraient les deux prochains chefs des départements d’intelligence et logistique. Ce fut son souhait.

Il ne voulait plus que comprendre pourquoi elle n’était plus là, pourquoi lui devait continuer. Pourquoi, pourquoi, pourquoi… POURQUOI ?
S’il était Son ange de la mort, Son envoyé, pourquoi le faire payer autant ? Pourquoi lui reprocher autant tous les gestes, pourquoi tâcher ses mains d’un sang innocent dans une certaine mesure, le pousser à obéir aux ordres des supérieurs ? Pour simplement l’abandonner sur cette terre désolée, catastrophe ambulante, cette terre d’apocalypse ?
Pourquoi… aucune voix ne répondait à ses prières ? La solitude étreignait ses mains dans une poigne glaciale. Il se débattait inlassablement, tentait de fuir ses propres pensées, les cauchemars qui revenaient.

Arme à la main, équipe préparée, tous l’observaient. Le sourire rayonnait d’une lueur faussée par la tourmente constante. La déchéance le guettait. Et les voilà partir, lancés dans ce lieu en guerre, en quête d’un groupe à escorter hors des frontières. La première étape restait de le trouver – le retracer. « Attention, tempête à deux longueurs de nous. Elle tombera dans une minute et quarante secondes. » Il fallait faire un détour.
Et puis,
Et puis… Elle.

Son odeur.
Sa voix.
Son image.
Elle.

Déconcentration maximale quand son odeur dérouta ses sens, tempête de sable soudaine qui les dispersa, les amenant involontairement à se séparer et lui, tout seul. Qui poursuivait cette image fugace apparue, il ne pouvait pas la laisser fuir. Mission oubliée, effacée, éclipsée par le besoin de retrouver la sœur qui avait toujours tout été pour lui, il s’était mis à courir, suivre cet effluve qu’il reconnaîtrait toujours. Sans elle, sa terre ne tournait plus et les étoiles ne brillaient plus. La noirceur avait désormais une lanterne faible, au loin, si proche et pourtant, hors de portée. Chaque fois qu’il apercevait sa silhouette, elle s’évanouissait dans le sable et lui restait.
« Putain Samuelle, ne joue pas à ça ! » Il tombait, se relevait, ignorait la douleur dans ses genoux, ignorait les hurlements autour. Avait-il franchi involontairement la frontière à Lugmen ? Possible. Inintéressant, futile. Il devait la retrouver. Elle ne pouvait pas se promener ainsi, elle était en danger, elle allait se prendre une balle. Il devait la protéger. Il devait la rattraper. Pourquoi elle fuyait ? Pourquoi sa sœur le fuyait ? Elle était là et puis, elle ne l’était plus. Mais il devait l’attraper. Il avait confiance en ses capacités, se savait suffisamment rapide pour l’intercepter.
Un ouragan. Dans trois minutes. À droite. Sa sœur s’était dirigée vers la droite. Elle allait se prendre la catastrophe, si elle ne s’en allait pas, mais elle ne pouvait pas le savoir, il n’était pas tout près d’elle. Il était l’unique capable de prédire les changements météorologiques si violents de cet univers en décadence.

Son cœur manqua plusieurs battements quand il la revit; pas si loin, dans le brouillard qui avait remplacé le sable. Il s’était élancé vers elle qui ne bougeait plus, s’était approché pour la prendre dans ses bras. Elle était immobile. Immobile et silencieuse. « Samuelle… Je pensais ne pas te revoir. » Il l’attira contre lui, contre son torse, pour sentir son odeur.
Mais le froid lui répondit.
Le silence fit écho à son désespoir.
Sa détresse vibrait d’une intensité violente et ses jambes s’effondrèrent. Elle n’avait jamais été là, il n’avait que poursuivi le fantôme des souvenirs qui ne cessaient de le hanter. Ce ne fut que la représentation de ce qu’il espérait trouver, que le fantôme de ce qu’elle fut autrefois. Pas elle.
Autour de lui, la brume s’intensifiait. Autour de lui, le monde s’effaçait, alors qu’il ramenait ses genoux contre sa poitrine. Cette existence n’avait aucun intérêt – était-il vraiment le prolongement de Sa main ? Ses choix étaient-ils réellement les bons ? Le sang qui avait coulé par sa faute;
Les pécheurs renvoyés aux portes du Paradis pour se faire juger étaient-ils vraiment les fautifs ? Peut-être… peut-être était-ce lui tout ce temps, qui s’était écarté du chemin que le Seigneur lui avait instauré.

Le sourire s’était effacé alors que les bruits s’étaient encore plus atténués. Raziel n’était plus certain d’être l’ange qu’il avait toujours été. Et si à la place d’ange, il était démon ? Ses certitudes s’effondraient, ses croyances s’effritaient. Quel jugement lui était réservé ?
Sa sœur se tenait tout près de Lui, dans un siège préparé à son effigie, et lui n’avait plus que les ruines que représentaient les régions les entourant. « Samuelle… peut-on vraiment toujours sourire ? A-t-on vraiment fait ce qu’il fallait ? »
Murmure sur les lèvres alors que cette sensation glaciale s’étendait dans tout son corps et que ses yeux se fermèrent. Les hurlements semblaient si lointains. Samuelle… Tout est si terne.
Le Paradis l’attendait-il ? Sa place lui était-elle réservée ? Il avait été l’Ange de la mort, celui envoyé par Ses désirs, mais il s’était peut-être perdu en chemin. Il avait simplement tenté de toujours faire ce qu’il fallait, aux côtés de sa sœur, jusqu’à ce qu’on la lui arrache.
Et maintenant….
Et maintenant ?
Viens me chercher, Samuelle.
Parce que parfois, les souvenirs sont si douloureux qu’ils te laissent sans avenir.
Et que son avenir avait été scellé au moment où elle n'était pas revenue.
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Raziel
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