- Petra Pan (L'Ombre):
Petra Pan est l’incarnation de Peter Pan et Grincheux. Elle est aujourd’hui la créatrice de Memeland et a donc le pouvoir de manipuler ce royaume tout comme celui de voler. Petra prend très personnel les actions que l’on pose contre elle et se sent facilement trahie. Elle a un historique difficile avec ceux qu’elle considère comme sa famille que ce soit sa famille biologique ou l’équipage du Jolly Roger (dont Hook) qui l’a accueillie dans sa jeunesse.
La silhouette rapetisse encore et encore en chutant de la cime d’Onyx. Dans sa chute fatale, son désespoir se fait de plus en plus silencieux. Se rapproche de plus en plus du repos éternel. Tes bras, toujours tendus après avoir lâché ta prise, retombent le long de ton corps. Tu ajustes ta capuche sombre en posant le pied sur le sol. Hook t’adresse un regard déçu. Ou est-ce toi qui y lis des reproches inexistants? Ne serait-ce pas toi qui as vu en cette exécution, le vague souvenir de la perte de ton aimée. Elle ressemblait à Wendy, cette Alice au regard sombre.
L’air devient lourd, étouffant alors que ton deuil passé prend une place trop grande. Tu te détournes de ton père adoptif. Ordonnes à deux gardes de récupérer le corps et s’en débarrasser. Tu ne veux pas le voir. Tu ne veux pas confronter tes crimes. Tu veux continuer à blâmer les autres sans te questionner. Cette exécution n’est pas non plus ta faute. Tu n’avais pas le choix. Tu n’as jamais le choix. Tu dois protéger ton royaume. C’est à toi de faire le sale boulot. À Memeland, les traîtres n’ont pas leur place. Oui, c’est ça. Ce n’est pas toi. C’est elle. Elle l’a cherché. Tu leur as pourtant offert tout ce que tu pouvais leur donner. Mais elle… Une infidèle à son peuple. Tu te devais de la châtier. Pour tous les autres. Pour le bien commun.
Tu prends la route du Jolly Roger. Hook t’emboîtant le pas. La distance se crée entre vous et le personnel restant. Un bruit capte ton attention. D’abord distant, il se fait rapidement plus présent. Harcelant. Des pleurs d’enfants. Des pleurs que tu reconnaîtrais encore aujourd’hui. Tu t’immobilises, incapable de déterminer d’où ils viennent. Impuissante, tu cherches instinctivement la protection paternelle.
“Fais-les taire!” Il te regarde sans comprendre. Ne les entend-il pas ces lamentations trop familières? Ces souvenirs lointains? Il se moque de toi. Comment peut-il les ignorer? En est-il à l’origine? Peu connaissent ta vie avant l’Ombre. Encore moins ta vie avant le Jolly Roger.
“Fais-les taire, abruti!”“Tu deviens folle Petra… Pas que tu ne l’étais pas déjà…” Sa voix s’efface sous le bruit incessant. Ces cris enfantins, tu ne veux plus les entendre. Tu prends ta tête entre tes mains. Balayant le tissu noir. Dévoilant tes mèches roses. Tu couvres tes oreilles, mais rien n’y fait. Les sanglots envahissent ton crâne. Se fraient un chemin dans ton esprit. Accaparent tes pensées.
Ce qui t’entoure disparaît alors que tu retraces ton passé. Que tu reprends ta vie à reculons. Tu n’es pas l’Ombre d’aujourd’hui. Tu es la jeune Petra. L’enfant perdue des Lostlands. Celle qui n’a toujours pas trouvé la route du Jolly Roger. Celle qui se fait comédienne et prend le rôle de mère pour ses six frangins. Celle qui se lamente de ses fissures sans savoir à quel point elle sera brisée.
Tu revois ta mère. Les nuits passées à son chevet. Son teint pâle. Celui qui transpire la putréfaction. La mort à venir. Tu revois son regard trop vide. Celui qui fuit face à la douleur. Qui ne réalise pas vraiment tout ce qui l’entoure. Qui ne voit plus les enfants en souffrance. Trop occupé à contempler sa propre déchéance. Tu revois ses lèvres sans couleur. Drainées par la maladie. Celles qui ne s’ouvraient que pour prononcer ton nom. Petra. Petra. Petra. Jamais plus. Pour la comprendre, tu lui inventais des mots. Tu décelais les non-dits. Les demandes cachées. Les exigences. Tu t’imaginais les reproches. D’avoir eu du retard pour nourrir le cadet. D’avoir oublié de nettoyer la nuisette de la benjamine. D’avoir oublié de balayer ou trop salé la soupe.
Tu la haïssais comme tu l’aimais. Elle vous avait tous laissé tomber. Vous qui aviez déjà tant souffert de l’abandon. Qui aviez tous pleuré l’absence de votre père. Vous qui tentiez encore d’oublier le bruit de la porte qui claque. Celle qui a scellé vos destins cassés. Tu t’es trouvée seule. Sans père. Avec une mère à la présence invisible. Tu l’aurais oubliée si ce n’était de ses remontrances silencieuses. De la pression incessante. D’être l’ainée. La seule responsable de ta fratrie trop large.
Qu’aurais-tu pu faire Petra? Tu étais trop jeune. Ton adolescence sacrifiée pour la survie de tes frangins. Tu as dû apprendre trop vite. Pour combler le vide irréfutable, tu devais être infaillible. Tu te faisais sévère. Inébranlable. Tu étais une mère dure. Exigeante. Tu compensais ton âge par une autorité incontestable. Celui qui daignait te confronter était simplement ignorant. Déraisonnable. Il ne savait pas. Ne voyait pas le futur que tu tentais de leur promettre. Celui que personne ne t’offrirait.
Tu t’es accrochée à ton désir de survie. T’as bossé à t’en épuiser. Pour nourrir, soigner, éduquer, couvrir les uns et les autres. Pour leur assurer une vie normale. Aussi normale puisse-t-elle être. Tu avais enduré les protestations. Les lamentations. Les caprices des plus jeunes. Les rébellions des plus vieux. Alors pourquoi est-ce que ta mère ne l’a jamais compris? Pourquoi refusait-elle de voir tout ce que tu faisais pour eux? Pour elle?
Les gémissements de tes frangins continuent de s’intensifier. Deviennent insupportables. Tu voudrais chasser ces bruits insoutenables. Oublier à nouveau ces sentiments trop douloureux. Ils s’accrochent à toi. Te terrifient. T’enragent. Tu serres tes mains contre ta tête trop pleine. Un hurlement s’échappe d’entre tes lèvres. Ajoute au tumulte qui s’est emparé de toi. Tu es inconsciente du désordre que tu causes autour de toi. Celui qui agite ton royaume comme il alerte ton escorte.
Ta voix s’éteint et avec elle les cris faiblissent. Laissent place à une autre voix. Plus faible. Cependant, tu la reconnais immédiatement, la voix de ta génitrice. Tu manques de crier à nouveau. Pour tenter de couvrir les réprimandes que tu attends. Mais ses mots te parviennent clairs et purs. “Je t’aime Petra”. Des mots d’amour jamais espérés de cette femme muette et pourtant ils enflamment ton cœur. Le silence revient avant que tu ne puisses en espérer plus. Les larmes te montent aux yeux.
Le doute s’insinue. Inhabituel. Sournois. Qu’avais-tu raté dans ce mutisme maladif? Si tu t’étais arrêtée plus longtemps, y aurais-tu entendu l’affection que tu niais? Petra. Petra. Petra. Était-ce plutôt un souffle de gratitude qu’elle scandait? La confusion te gagne en semant la culpabilité. De ne pas avoir été à l’écoute. D’être partie avec toute ta fratrie. Dans ta recherche de liberté, tu lui aurais donc retiré tous ses enfants. De trahie, tu es devenue traître. Tu t’efforces de rejeter la faute qui t’accable. Tu ne veux pas l’accepter. Ce ne peut pas être toi.
La main de ton paternel de fortune se pose sur ton épaule. Tu la rejettes brusquement.
“M’ennuie pas…” Tu remontes ta cape par-dessus ta tête. Deviens à nouveau Ombre. Tu reprends ton chemin comme si de rien n’était. Essuie discrètement cette larme naissante. Les pas de Hook se font entendre près de toi. Te rappelle sa présence involontairement rassurante. Tu reprends tes airs impassibles. Intouchables. Derrière ton masque, tu te demandes malgré tout, si lui aussi tu ne l’aurais pas blessé encore et encore.