Sujet: Epreuve 6 - ELYSION Sam 12 Fév - 18:32 | |
| Epreuve 6 EnoncéSolo Mezzo – Epreuve 6 : « Quoi ! De la Neige en été ? » La routine et le quotidien sont des piliers de stabilité qui permettent à tout être sain d’esprit de chercher une cohérence dans le chaos de l’univers. Mais parfois l’imprévisible vient bousculer la monotonie d’une vie bien rangée, où rien d’étrange ne se passe. Même les esprits les plus obtus se laissent déstabiliser par les plus improbables coups du sort et en viennent peut-être même jusqu’à rêver d’un monde où le champ des possibles est illimité. Qu’en est-il de vous ? Quelle serait votre réaction face à l'inexpliqué ? Cela ne vous laisserait pas indifférent, loin de là, je me trompe ? Entre effroi et extase, le fossé est immense et les nuances nombreuses. Pourtant, vous voilà emporté dans une bulle hors du monde, où seule votre propre conscience peut vous hanter. Dans cette épreuve, un phénomène se produit (imposé) et génère une profonde réflexion chez le personnage qui le chamboule intérieurement. Dans cette parenthèse onirique, il ressent de fortes émotions et se perd dans ses pensées. Cette introspection peut le conforter dans des choix passés ou le confronter à ceux qui restent à venir. Cela peut également concerner une situation, une personne, un souvenir ou s’axer autour d’une émotion précise et puissante. Ce qui est sûr, c’est que votre personnage en sortira changé, avec son lot de certitudes… ou de doutes.
/!\ Attention, le phénomène surnaturel en question est transitoire, de l’ordre de quelques secondes, et agit comme élément déclencheur des réflexions. Lorsqu’il se termine, tout revient à la normale, laissant alors planer le doute sur la véracité de l’instant vécu.TypeÉpreuve sur 1 jour : (samedi 12 février 00h00 au dimanche 13 février 23h59) Il s’agit d’un Solo légèrement corsé, bref une variante du Forte. En effet, chaque champion devra poster un unique texte de 1500 mots maximum, pour répondre au sujet de l’épreuve. Mais ici, le joueur devra réaliser la veille un lancer de dé ici qui lui imposera 3 thématiques. Lors de la révélation de l’épreuve, le joueur comprendra avec l’énoncé la manière dont il aura à exploiter la thématique. Il aura en effet à choisir parmi l’une des trois contraintes tirées au sort, afin de l’exploiter dans son texte selon les aides de l’énoncé. Les deux autres ne serviront pas, et seront en quelques sortes des roues de secours afin que le joueur puisse choisir la thématique qui l’inspire le plus. Nous considérons en effet que l’épreuve n'est pas facile, c’est pourquoi nous te suggérons trois contraintes mais à terme tu n’as besoin de n’en garder qu’une seule, celle qui t’inspirera le plus. Énigme (VI) : Comprenez-vous cette rage qui m’anime devant leur beauté ? |
| Le Corbeau Œil avisé Messages : 113 Âmes : 59 Date d'inscription : 11/10/2020
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Sujet: Re: Epreuve 6 - ELYSION Dim 13 Fév - 19:27 | |
| Pendant trois ans, j’avais passé mes nuits à sillonner les bas quartiers d’Hypnos. Sans que je puisse vraiment me souvenir de la raison, j’étais parti d’un seul coup pour ne plus revenir. C’était il y a plus de trente ans et je ne m’étais jamais senti nostalgique de cette époque. Mais, lorsque je reçus la lettre d’un dénommé Mory m’y proposant une affaire, je n’hésitai pas une seconde.
Je ne manquai pourtant pas de travail et il n’y avait aucune logique à accepter un contrat aussi lointain, qui ne prévoyait d’ailleurs pas le règlement de mes frais. C’est du moins ce que j’avais à l’esprit tandis que je versais le prix de la traversée. J’en avais maintenant pour plusieurs heures ennuyeuses au milieu des voyageurs, des commerçants pour la plupart, sans vraiment pouvoir ni me dégourdir les jambes, tant nous étions nombreux, ni observer le paysage, monotone et de surcroît étonnamment brumeux pour la saison. Il ne me restait alors qu’à ressasser.
Je ne connaissais rien de ce commanditaire, l’enquête : une disparition de femme n’avait rien de très original tant les éléments semblaient indiquer qu’elle avait fui avec son amant. Mais pourquoi un tel intérêt ? Peut-être la cause était-elle à chercher du côté de cette étrange bonne femme que j’avais croisée l’autre soir. Une prétendue devineresse, qui loin de proposer de véritables pouvoirs psychiques, pouvait soi-disant broder une vision personnelle simplement par imposition des mains. Un tour ridicule donc, mais qui avait le mérite d’être original. Le prix demandé était raisonnable et je me laissais tenter. J’obtenais à la fin une toile figurant une jeune fille endormie sur un lit de fleurs fanées. Je lui posais des questions, mais me heurtais à son silence. Je n’insistais pas et repartais avec cette œuvre un peu morbide, mais également touchante par l’expression apaisée de la demoiselle. Son regard en particulier me restait en tête, et je me retrouvais face à lui toutes les fois où je relisais la description de la disparue.
Un mouvement de foule interrompit alors le fil de mes pensées. Je fendais le mur des badauds pour m’approcher de la barrière. Une baleine nageait non loin du navire et nous accompagnait de son chant. Je fus bien obligé de me départir de mon visage maussade. On ne les aperçoit jamais dans cette partie de l’océan, et celle-ci était même parvenue à dissiper en partie la brume qui nous entourait depuis le départ. Elle commençait peu à peu à s’éloigner et alors qu’elle disparaissait dans les flots, nos regards semblèrent entrer l’un en l’autre et je sentis que quelque chose en moi, longtemps scellé, s’ouvrait lentement.
L’âge me rendait décidément bien superstitieux, mais en débarquant à Hypnos, la folle énergie de la capitale chassait bien vite toutes ces rêveries. J’allais à l’auberge du Chat qui pelote à l’entrée du quartier « Fauve » qui tenait son surnom de la faune hétéroclite, bruyante et sauvage qui y régnait depuis des décennies. J’y déposais mes affaires avant de partir pour un flânant repérage. Je ne rencontrais monsieur Mory que tard dans la soirée, et j’étais libre jusque-là de parcourir les rues à ma guise.
Dans un cas comme dans l’autre, l’entreprise n’était pas évidente. La population était en liesse et s’apprêtait à fêter l’éclipse lunaire qui devait bientôt débuter. La croyance voulait que lors de la brève obscurité, un renversement ait lieu rendant visible ce qui ne l’est habituellement pas. Drôle d’idée tout de même que de célébrer le dévoilement dans un quartier où ici plus qu’ailleurs, tout le monde cache un squelette.
Je m’éloignais des attroupements en prenant une rue adjacente dans laquelle j’espérais pouvoir souffler un peu. Adossé contre un mur, la nuit m’enveloppa avec toute la ville. En un bref instant, il n’y eut plus ni haut, ni bas, ni rien si ce n’est son visage à la chandelle. J’ignorais son nom, son âge même son apparence m’était indistincte, mais je savais que je l’aimais, que c’était réciproque et que cela avait été, qu’importe que je ne m’en souvienne plus, car de toutes les vérités que j’avais pu retracées au cours de ma carrière, c’était bien la seule qui eut du sens.
Le pouls de la cité reprit brusquement. J’étais paniqué, en sueur et je ne cessais de tourner la tête de droit à gauche comme si une menace pouvait surgir à tout instant. Il ne se passa rien. Je revenais sur l’artère principale et m’arrêtais à un bar où je commandais un remontant. Qui était-elle ? Je la connaissais cela ne faisait aucun doute, mais elle s’était fondue jusqu’à disparaitre dans les milliers d’êtres, de paroles et de décors qui avaient croisé ma route au cours de toutes ces heures. J’avais dû faire sa rencontre ici, durant les trois années où j’errais dans mon costume de détective au rabais. Bien que miteux, il régnait dans ces bars une ambiance unique faite de musiques lancinantes, de boissons bon marché et d’imprévisible. À bien y réfléchir, je l’avais forcément vue-là. J’avais dû m’attarder exceptionnellement sur le zinc, comme tous les soirs, et en être à mon troisième verre, je ne parlais à personne avant, ou probablement à mon quatrième ou cinquième, car les mots, je crois m’en souvenir maintenant, trébuchaient lamentablement face à elle. Elle riait alors je continuais et devenais de plus en plus bête. Quel son pouvait avoir sa voix ? Agréable, à coup sûr, puisque je ne comprenais plus grand-chose. Elle m’avait ramené en me protégeant des malfrats sur la route grâce à ses pouvoirs magiques. Oui, elle sautait devant moi, de pavé en pavé, pointant ses doigts dans le vide, ou sur des passants médusés, en marmonnant des incantations qu’elle inventait à la chaîne. Puis son avorton en sécurité, elle me quittait, sans oublier de dresser pour la nuit une barrière fantastique.
Je la voyais régulièrement dans un bar quelconque, sans que l’on se donne rendez-vous, mais parce que c’était comme ça, ou plutôt parce que sans nous l’avouer, nous nous cherchions, nous ratant souvent. La suite demeurait dans les limbes alors je repartais à l’aventure. La devanture d’un apothicaire fit écho à celle d’un vieux bijoutier, le panneau tordu et vermoulu d’un forgeron me rappela qu’il avait été autrefois plus droit et le clapotis d’une fontaine m’amena à rejouer en rêve, une des plus belles scènes de ma vie.
Un amant rossé par un mari auquel j’avais démontré l’adultère de sa femme m’avait retrouvé et littéralement encrotté. Le gaillard était en effet un « capitaine éboueur » et à l’aide de ses hommes m’avait rendu semblable à un chemin d’équitation. Piteux et odorant, je comptais trainer ma carcasse jusqu’à ma chambre. Elle ne m’en laissa pas le temps et surgissant de je ne sais où elle m’emportait avec elle dans la fontaine. Nous fûmes bientôt rejoints par ses comparses qui me déshabillèrent et se mirent, mes vêtements et moi, à nous frictionner vigoureusement. Je terminai avec un joli pyjama rose sous les applaudissements de toutes ces braves femmes. Elle m’apprenait, alors qu’elle assurait de nouveau ma protection, que c’était son quartier, celui des prostituées, et qu’elles et ses camarades ne pouvaient tolérer une telle odeur pour les affaires. Son travail n’était pas vraiment une surprise, j’avais remarqué dès le premier soir le camélia qu’elle avait dans les cheveux, symbole ici de sa profession.
Nous continuâmes notre duo un moment puis elle se fit plus rare. Quand je la revoyais, sa mine était pâle, son pas plus incertain, sa vigueur envolée… Une nuit où je l’avais cherchée des heures, c’est elle qui comme d’habitude vint saisir ma main. Mais cette fois, elle ne toléra aucune discussion et m’amena simplement avec elle. Elle me fit monter dans sa chambre. Je me demandais alors si ce n’était pas cet immeuble. J’en poussais la porte qui par chance était ouverte. Je grimpais doucement et retrouvais les craquements que je produisais derrière elle, tandis que de sa démarche fine elle semblait hors du monde. Je pénétrais chez elle à sa suite. Je ne la trouvai plus à l’intérieur évidemment, mais il y avait un homme qui me sourit.
« Monsieur Mory, je présume ? »
Il hocha la tête et me demanda si tout m’était revenu. Je lui répondis que je sentais que la fin était ici, mais qu’elle m’échappait encore.
« Elle était malade, vous le saviez n’est-ce pas ? »
Elle était entrée et avait toussé du sang. Je l’avais prise dans mes bras. Elle m’avait demandé de m’allonger et nous étions restés un temps infini. À mon réveil, je n’ai vu que son visage figé et les camélias fanés. Puis chaque seconde dès cet instant m’a fait oublier ce qui était arrivé.
« Elle avait un véritable don, celui de manipuler la mémoire. Quand elle a senti que sa fin venait, elle a voulu vous avoir à ses côtés, tout en souhaitant que vous souffriez le moins possible. Mais elle n’a pu se résoudre à s’ôter complètement de vous. Alors elle m’a glissé dans votre esprit pour que des années plus tard, vous puissiez le temps de quelques heures vous revoir. » |
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