il est temps de s'expliquer || alec

Il est temps de s'expliquer.

Le martèlement de ses talons sur le sol  froissa le silence religieux de la forêt. L'été commençait à peine à pointer le bout de son nez mais la chaleur se faisait déjà chaque jour plus suffocante. Le démon avait donc profité de ce petit matin encore frais pour aller se défouler. 8h. Le soleil ne tapait pas encore trop fort et même si cela avait été le cas, l'épais feuillage des arbres le protégeait de ces UV bien ardents. Le muet bruit de la brise, accompagné du doux crissement des feuilles qu'il écrasait, participaient au calme qui l'habitait. Il n'avait pas choisi ce lieux par hasard. Il aurait pu, il est vrai aller courir le long de la plage, et ainsi couver du regard cette eau maternelle qui toujours avait été présente pour l'accompagner. Mais aujourd'hui avait été autrement, il avait préféré se retirer, s'éloigner de la population environnante. Car l'été ne le faisait pas que sortir lui, toute la ville semblait s'être éveillée, s'être soudainement trouvé un goût pour les balades. Les rues étaient davantage arpentées, et le silence avait peu à peu cédé sa place au brouhaha permanent d'une foule pétillante. La forêt était donc le lieu idéal pour s'isoler. De par sa superficie offrant quantité de liberté et de ses sentiers sinueux qui donnaient l'illusion d'un labyrinthe sans fin, il était sûr, ici au moins de ne pas faire trop de rencontres. A par le rouquin d'il y a dix minutes et qui avait pour excuse de promener son chien, il n'avait pas croisé âme qui vive. Tant mieux, vous me direz.


Son flair perçut le fumet de la forêt, ses sens retrouvèrent un semblant d'agilité et il se plut à étendre sa conscience, à tenter de capter les signes de vie aux alentours. A sa droite eut-il tout juste le temps d'entendre le bruissement des fougères et son regard d'apercevoir les oreilles bondissantes d'un lièvre grisé, qu'il chutait. N'ayant ni vu venir le choc, ni compris comment il venait de se retrouver à terre, il lâcha un vilain juron tandis que les traits de son visage se durcissaient sous l'effet de la frustration. Ses yeux inquisiteurs se portèrent immédiatement sur l'obstacle qu'il venait de rencontrer. Il se trouve qu'il s'agissait d'une très jeune demoiselle au dessus de laquelle il se retrouvait justement. Sous la surprise, il se laissa rouler vers la gauche, avant de la regarder hébété, lâchant sèchement :


« On peut aussi faire attention où on pose les pieds quand on ne sait pas correctement se diriger »


Sous ses yeux furibonds, elle se releva et prit le temps de lisser sa robe qui, oh seigneur, avait eu le malheur d'en être quelque peu plissée. La haine ne tarda pas à se déverser dans les veines du jeune homme quand celui-ci pu constater que non seulement, cette abrutie l'avait mis à terre mais qu'en plus, il s'agissait d'un de ces maudits êtres ailés. Il se releva aussitôt, négligeant la main qu'elle lui tendait, et darda le regard sur elle, en sifflant méchamment :


« Non. »

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Il est temps de s'expliquer.

La petite sainte le regarda de haut en pas de ce petit air condescendant qui seyait tant bien aux siens. Il eut une moue moqueuse à la vue de cette scène insolite. Histoire de lui montrer qu’elle n’était pas à même de dominer, il s’approcha un tantinet de la jeune femme et ses yeux vicieux accrochèrent les siens. Comment dire qu’elle n’avait pas son mot à exprimer. Clairement, il s’en foutait. Il ne voulait savoir qui elle était, ce qu’elle lui voulait et encore moins se mettre à jaspine. Il semblait en être de même de son côté à en juger le ton tranchant qu’elle lui adressa. A cette piètre tentative d’agressivité,  il éclata franchement de rire et enserra vivement sa gorge d’une main sans toutefois trop la blesser. Il la laissa simplement profiter quelques secondes de la froideur de ses doigts, qui vinrent chatouiller sa fragile jugulaire.

« Écoute-moi bien la miss. Je ne sais pas qui tu es, ni ce que tu fous en travers de mon chemin. En vérité je m’en contrefous. Mais il y a un truc que je sais. Ici il n’y a que toi et moi. Je veux bien croire que tu es, peut être, je dis bien peut être, moins frêle que tu en as l’air, mais sauf si tu es une boxeuse de compétition, je pense pouvoir rapidement te maîtriser. Alors tu vas me faire le plaisir de déguerpir avant que ma patience n’atteigne sa limite. Sauf si tu tiens à profiter de mes soins personnels. Là, ce sera une autre histoire.»

Un sourire pervers vint lentement tracer son sillon sur les lèvres du démon tandis que sa main quittait la gorge d’Abra pour venir caresser lentement le coin de sa mâchoire serrée. C’est le moment que la jeune femme choisit pour la faire bouger et prononcer sa frivole petite question. Fixant ses gestes du regard, il laissa les mots s’échapper silencieusement de sa gorge, laissant son haleine glacée venir à l’encontre de la parfaite petite ange.
« Qu’importe qui je suis. On n’a pas à se fréquenter. Du moins, toi, tu as tout intérêt à ne pas me côtoyer. Après je comprendrais que tu te fasses une toute autre opinion. J’imagine que tu n’as pas l’habitude d’être comblée là d’où tu viens. »

Sa moue rieuse ne témoignait pas du dégoût qu’il ressentait. La seule aura d’ange qu’il avait jusque là pu frôler était celle d’Alice. Certes cette dernière le repoussait et lui donnait envie de fuir mais il s’y était un peu habitué et souvent il se surprenait à la chercher. Celle d’Abra était loin de lui faire autant d’effet. Elle lui procurait au contraire un sentiment de malaise permanent. Il se sentait terriblement irritable et à cran en la sentant et il s’étonnait de ne pas l’avoir encore étranglée. Le fait de lever sa main à hauteur du cou de l’ange avait été spontané, il n’avait pas eu à le réfléchir, à le prévenir. Cette aura avait un effet néfaste sur sa conduite. Elle lui donnait envie de tuer, de mutiler, de saccager. De tout faire pour que cette aura disparaisse à jamais et ne puisse refaire surface. A ce rythme là, il ne tarderait pas à lui sauter dessus et seul Dieu serait alors témoin de ce qu’il lui ferait s’il ne parvenait pas à se brider assez longtemps.

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