Explorer le défi - Alec

Cela faisait quelques jours déjà que le suédois n’avait plus eu de nouvelles du lieutenant RAUM. Fait étonnant considérant le fait que le démon grisonnant avait été très présent pour le mentorat du blondinet. Auprès de lui, il avait appris à consolider son mental, à gérer ce trop plein d’émotions négatives qui lui faisaient autrefois défaut : colère, rancœur, haine. Aujourd’hui, ce moteur hautement contrasté avait été lissé, le lieutenant s’étant appliqué à faire comprendre à sa jeune recrue les limites de son propre système. En effet, si sa fougue et son impact en étaient galvanisés, lui permettant des dégâts en un temps record, le lead d’un projet sur le long terme, qu’il soit militaire, social, professionnel s’avérait plus ardu. Dans l’optique d’optimiser ses chances de succès dans les opérations lancées, le suédois s’était donc attelé à travailler ce mental débridé, dans la continuité de son physique. L’avantage de partir de là d’où il venait, était que la marge de progression ne pouvait qu’être pourvoyeuse d’immenses progrès. Et c’est ce qui avait eu lieu. En a peine deux mois d’entraînement régulier, de rencontres en forêt où sur d’autres terrains favorables aux exercices mis en place par RAUM, le démon avait vu l’évolution. Si son sang était resté bouillonnant, sa tête s’était-elle refroidie.

En deux mois aussi, il fallait se l’avouer, il s’était pris d’affection pour le lieutenant. A force de partager les heures, parfois la sueur au cours des exercices de luttes, un lien s’était créé. L’absence de ce dernier n’annonçait donc rien de bon. Ni sur le plan militaire, ni sur le plan relationnel. Pour autant, Alec ne se permit pas de déroger à ses habitudes. Il devait forcément expliquer une raison à ce soudain silence radio, d’une limpide rationalité. Il se dit qu’il se laissait encore quelques temps avant de se mettre en traque de son mentor. En attendant, il n’y avait guère le temps de niaiser : perdre les progrès jusque-là obtenus aurait été d’une stupidité déplorable et il savait pertinemment ô combien le lieutenant ne l’aurait pas permis. L’imaginant le houspiller pour qu’il se sortent les doigts, le démon enfila hâtivement l’un de ses traditionnels t-shirts blancs. Vêtu d’un short de sport de couleur ébène, il laça ses chaussures, pris une rasade d’eau claire, et sortit de chez lui.

Glissant les clés de son domicile dans la discrète poche intégrée de son bas, il commença par un échauffement. Dérouillant ses articulations, il fit pivoter la moindre portion mobile de son corps, partant de la tête jusqu’à finir par ses chevilles, particulièrement sollicitées par le running. Surtout sur les terrains de trail qu’il empruntait. Quand ce fut chose faîte, il se réchauffa en sautant deux fois sur place, vérifia que ses chaussures étaient bien ajustées. Puis il s’élança. Ayant beaucoup arpenté la forêt, et suffisamment pensé au lieutenant RAUM pour la matinée, il prit la direction Sud vers l’Arche sacré. Avant d’arriver face à cet insipide monument dont il ne cernait toujours pas l’utilité, il sortit des murs de la ville pour prendre la direction du temple. Malheureusement pour le Serpent, le démon n’avait nulle envie d’aller rendre hommage à sa misérable politique. Voilà bien une chose pour laquelle RAUM avait encore un peu de travail. La loyauté du démon ne revenait pas au Dragon. Pourquoi en serait-il ainsi quand celui-ci les laissait croupir dans cette ville maudite ? Pas un discours, pas un accueil, pas une directive. Rien. Nada.

Sa tension grimpa en flèche et il accéléra imperceptiblement, ses pensées s’affolant. Non, ce reptile était bien loin de le fasciner ou de lui donner envie de s’engager à ses côtés. Et puis s’engager à quoi ? Le mystère restait entier…. Soufflant d’un air agacé, il essaya de ranger ses idées. Inspirant par le nez, et expirant par la bouche, il se concentra sur ces volutes d’air qui entraient et sortaient de ses poumons pour centraliser ses pensées. C’est tout naturellement qu’il s’engagea sur un petit chemin de terre qu’il connaissait bien. Bordé par la végétation, ponctuée de rocaille, ils l’avaient souvent emprunté avec RAUM. Souriant en accélérant à nouveau, cette fois par défi pour son partenaire absent, il s’engagea dans cette petite montée. Il ne garda pas longtemps ce rythme inadapté face à la pente qui se dessinait. Adaptant sa foulée, il fut ravi de retrouver un peu de plat lorsqu’il eut rejoint le premier plateau, non loin de là. Puisqu’il était encore relativement tôt, il ne croisa pas âme qui vive. Pourtant, les chaleurs estivales commençaient à se faire ressentir en journée. Et ce matin, si la brise ne lui chatouillait pas l’échine de son contact froid, la température restait optimale pour une sortie. Tant mieux, il en profiterait !

Assez rapidement, il dut ralentir, les sens soudain titillés. Ce fut son ouïe qui capta la première cette présence étrangère. Pris de curiosité, il approfondit son amorti, jouant de ses suspensions pour se faire plus léger, plus discret. Durant quelques minutes, il n’entendit que des bruissements. Lorsque ce son se transforma en un bruit régulier, il recula discrètement pour sortir du sentier. Son dos heurta souplement le corps d’un buisson, le faisant frémir d’indignation. Il ne se figea au décours pas longtemps. La présence ne cessait de se rapprocher. Et avec finit par débouler son aura, d’une noirceur qui ne laissait planer aucun doute : un démon était sur ses pas. Le doute aurait été permis pour un être lambda de se demander si ce n’était pas le lieutenant qui enfin revenait. Taratata. Pour avoir côtoyé son aura pendant plusieurs semaines le démon sut immédiatement qu’il n’en était rien. Mais il sut également dans l’instant que l’être en approche n’était pas n’importe quel membre de la caste démoniaque. Fronçant les sourcils, il se demanda si sa petite rébellion personnelle des bacs à sable aurait pu lui apporter des ennuis ? Aurait-on ordonné de venir lui donner une bonne leçon. Le doute était permis. Les chances que Dragon, de sa haute tour d’ivoire, baignant dans son luxe oisif, puisse voir un quelconque intérêt en lui étaient même proches du néant. Mais voilà, en plus de ce suivi inopiné dans un lieu reculé, il y avait l’absence de RAUM. Il eut à peine le temps d’entre-apercevoir des traits féminins qu’il fit volte-face et partit en courant pour rejoindre le hors-piste. Sa sortie de route se voulut la plus discrète possible, mais ses pieds eurent tendance à provoquer un minuscule éboulement de galets. Tant pis pour la discrétion, il en profita pour ajouter plus d’impulsion et se hisser vers l’un des sentiers qu’il y avait plus haut, menant à un autre plateau. Il essaya au travers de son aura, de savoir si sa poursuivante avait pris la mesure de la suite et si elle s’était à sa suite. Mais l’essai fut un échec et il resta durant de nombreuses foulées dans cette vile incertitude. Qu’elle soit restée en bas en ne l’ayant pas remarquée, restée en bas parce qu’elle n’en avait rien à secouer, ou lancée à ses trousses, il n’en savait rien.

Le démon sentit l’aura qui le pourchassait bondir en avant, en sa direction. Il n’y avait plus aucun doute, il était bien ciblé. Malgré l’application qu’il mit à tenter de se faire léger, les bruits de son passage ne trompaient personne. Jurant silencieusement, il laissa alors son aura rugir à son tour, se déployant en claquant, belliqueuse. Les serres dehors, elle le surplomba de son enveloppe protectrice, tandis que tous ses muscles carburaient à plein gaz. Il n’eut pas le loisir de sentir la moindre douleur ou difficulté tant l’adrénaline de cette course-poursuite l’exalta. Pourtant, l’ensemble ne suffit pas à dérouter sa poursuivante. Petit à petit, il sentit qu’il perdait de son avance. Il commença par percevoir le bruit des feuilles qui s’agitaient de temps à autres, puis ce fut le martèlement des pas qui fut plus perceptible. Enfin, il finit par reconnaître le souffle d’un bipède. Toujours plus proche. Un frisson glaçant lui parcourut l’échine. Il ne se retourna pas, poursuivit, les poumons en feu, avalant encore les mètres, espérant pouvoir avoir une chance de s’extirper.

Finalement, la silhouette inconnue et hostile se détacha sur sa droite, et vint lui couper la route, le contraignant à freiner abruptement. Le front en sueur, il accueillit l’inconnue d’un regard glacial. La tête droite, le menton redressé, il toisa cette femme de petite taille, la chevelure recouverte d’un foulard. Haletant, il détailla le gabarit explosif de sa concurrente. Des mollets et quadriceps dessinés, un tour de hanche galbé à souhait. Remontant encore, il constata la solide ceinture abdominale, puis les épaules parfaitement proportionnées. Cette harmonie s’avérait toutefois déséquilibrée par l’impressionnante cicatrice pourfendant son regard olive.

Hannathème Lormys.

Il n’en avait jamais vu le moindre portrait, mais la description de la Vipère avait fait le tour de la Cité. Du moins du côté ténébreux des pavés. Que lui voulait elle ? Que faisait-elle ici ? Elle souligna les erreurs qu’il avait pu commettre. Etait-ce vraiment maladroit de mettre toutes les chances de son côté pour échapper à l’ennemi ? Quitte à faire du grabuge, il avait mis toutes les opportunités qu’il avait pu trouver en la faveur de sa fuite. Il n’y avait pas eu d’erreur dans sa méthode.

La respiration encore saccadée, il rétorqua du tact au tact pour lui laisser l’effet de surprise :

« On court jusqu’au sommet. »

Dérapant sur sa gauche, il bondit à nouveau, cette fois sur une piste plus plate, presque sablonneuse. Sa foulée souleva des volutes de poudres crayeuses. Il synchronisa sa respiration du mieux qu’il le put pour soutenir son organisme en proie à l’exercice. Calibrant les rotations de son buste, le ballant de ses bras avec ses jambes, il se grandit et maintint son allure de sprinteur. Juste assez pour atteindre l’un des tournants du sentier. Aussitôt, il braqua dans une autre direction et attrapa une autre piste qui partait sinueusement vers les hauteurs. Le sol, toujours assez meuble atténuait le bruit de ses pas. Il fit de son mieux pour ne rien toucher, ne rien froisser. Ne pas commettre d’impairs.

Mais il faiblissait. Il tenta de garder un rythme stable. Cependant les stocks d’adrénaline étaient au plus bas, et la sensation piquante de l’acide lactique revint le ronger. Il se remit par ailleurs à sentir l’incandescence de ses bronches, capter le goût métallique au fond de sa gorge. Explosé, il finit, proche des hauteurs, par s’arrêter, les mains sur les cuisses. Penché ainsi en avant, il tenta de calmer les bonds furibonds qui agitaient sa cage thoracique. Il retint la nausée bileuse qui menaçait de prendre le dessus. Là encore, il ne put que constater le rapprochement inévitable de la céraste. Il l’avait bien distancée, et pour ça, il s’en félicita. Néanmoins, elle rattrapa tranquillement la différence et l’impression de facilité qui se dégagea de son effort à elle le rendit furieux. Il l’accueillit cette fois d’un regard assassin, plongeant ses yeux acérés dans ses prunelles verdoyantes. Epuisé par l’exercice, il resta secoué de colère face à cette nouvelle menace qui se profilait. La question restait la même. Que voulait-elle ? La meilleure façon de le savoir était encore de le demander.

« Que me veux le Palais ? » risqua t-il d’un air irrité.

De sa position distante, il resta ainsi à la toiser. Dans l’espoir d’une réponse. Mais le Palais lui avait appris que l’espoir était vain. Il n’attendait plus rien d’eux, il n’attendait donc rien d’elle.

L’agressivité n’habitait qu’une extrémité : la sienne. Pour autant, la colère du suédois ne désemplit pas. Il se sentait chassé et l’incompréhension mène à des actions que la raison ne permet pas toujours d’expliquer. Le buste toujours secoué de ses amples mouvements de ventilation, il ne put rebondir tout de suite sur ses propres dires. Il n’avait de toute façon, rien à ajouter. Il était parti ce matin pour courir comme son mentor le lui avait enseigné, et n’avait pas prévu de se retrouver face à la Vipère.

En dehors de ses halètements, et des rares crissements de pierre sous les pieds d’Hannathème, le silence régnait. Pas une aura ne s’était manifestée. Ils étaient seuls. Il était seul face à elle. Elle paraissait imperturbable, voire prendre son pied. Dans un mouvement lent, qu’il aurait presque jugé langoureux, elle fit glisser le fichu qui camouflait ses cheveux. Aussitôt débridés, les folles et impétueuses mèches rougeoyantes vinrent chuter le long de ses épaules, de son dos, tentant de tirer jusqu’à ses reins. Il ne broncha pas. Elle non plus. Elle s’avança, calmement, prenant soin tout de même de conserver une certaine distance. Environ deux mètres les séparaient désormais. Elle était prudente. Tant mieux. Il avait jaugé son physique et en avait conclu qu’elle serait particulièrement tenace à terrasser. Dans son attitude, il comprit que soit elle bluffait, soit elle n’avait effectivement rien à craindre de lui. Mais ses années passées dans l’armée, sa fâcheuse tendance à se bagarrer, lui avaient au moins appris une leçon : lorsque tu manques de technique, souviens toi de bien puiser dans cette émotion qui te ronge. La peur, la colère, la rage. Tout pouvait être moteur à condition de savoir comment l’exploiter.

A raison, Alec sut qu’il n’était plus assez vaillant pour bondir à nouveau, que ce soit pour fuir en avant, ou pour tenter de l’attaquer. Alors, il se laissa tomber mollement vers l’arrière, pour que ses fesses entrent en contact avec la terre battue. Il laissa les paroles de la démone venir jusqu’à lui. Elle n’avait pas tort. Il ne pouvait pas mourir, sauf s’il continuait de courir alors que ses limites étaient atteintes. Il fut surpris d’apprendre qu’elle ne connaissait pas son nom. Non pas qu’il soit connu, loin de là. Bien que son égo soit nourri comme il faut, il n’avait pas la prétention de se prendre pour ce qu’il n’était pas. Le destin avait été clair sur le sujet : il n’était personne pour le Palais. Sa question lui fit donc comprendre, qu’elle ne l’avait effectivement pas ciblé. Il ne s’en vexa pas, en fut plutôt soulagé. Inspirant, il planta son regard dans le sien, dilua l’animosité qui y faisait façade jusque là et laissa pointer une lueur de curiosité.

« Hmmm.. On oublie vite les règles spécifiques à cette cité quand on se sent en danger. Ton approche n’a pas vraiment été d’une courtoisie qui incite à la confiance. »

Etirant ses jambes, il constata que son corps se calmait petit à petit. Habitué à s’exercer, son cœur avait déjà ralentit, les pores de sa peau s’étaient taris, et son souffle était à nouveau plus maîtrisé.

« Le petit Alec HAMILTON est la proie inconnue que tu as décidé de prendre en grippe aujourd’hui. Je n’ai pas de raisons particulières de m’être éclipsé sans saluer, si ce n’est de vouloir rester en vie. Les démons ne sont pas vraiment réputés pour leur sororité. Ton aura est chargée d’énergie, d’impulsivité. : ce n’est pas tout à fait ce qui met beaucoup à l’aise. »

Choisissant la voie de la nonchalance, puisque pris au piège quoi qu’il en advienne, il demanda :

« C’est quoi le secret, pour aussi bien encaisser ? Je veux dire, je ne suis pas médaillé Olympique, mais j’ai quand même un peu d’endurance, de cardio et punch. Comment est-ce possible que tu sois à peine essoufflée ? »

Quelque chose en la personnalité d’Hannah le poussa derechef à la tutoyer. Il se cacha derrière ce tutoiement, refusant d’admettre qu’elle l’impressionnait. Derrière ce visage à la peau raffinée, il savait que se cachaient milles récits horrifiques. Mais il ne pouvait pas encore montrer qu’il la craignait. Alors, comme lors de sa rencontre avec le Dragon, il se masqua sous une attitude plus effrontée. A croire que le danger qu’il avait senti en Hannah venait de mettre à mal les enseignements du lieutenant RAUM.

Le regard de la Vipère coula sur son épiderme. Il eut la sempiternelle sensation de la sentir serpenter autour de sa poitrine, ses yeux traquant la moindre défectuosité. Sa langue sagement dissimulée dans sa bouche, elle ne susurra mot pendant de longues minutes. Son regard s’appesantit sur lui, l’écrasant de toute sa hauteur. Cette vue en contrebas ne fit ni chaud ni froid au suédois qui ne la craignait pas. Il supposa que si elle avait souhaité le mettre à terre, le neutraliser, il le serait déjà depuis quelques temps, mordant âprement la poussière. Alors plutôt que de se perdre dans des hypothèses hasardeuses, il la laissa exprimer le fond de sa pensée. Que cachait son silence qui semblait vouloir en dire long ? Quelles idées agitaient son encéphale, ricochant d’hémisphère en hémisphère, se colmatant d’idées au fil de leurs élaboration.

« Tu es assis par terre et je pourrais facilement te frapper. Elle est où ta confiance? »

Ma confiance est là, puisque je suis assis sans broncher.

Il ne jugea pas nécessaire de formuler ces mots, la Seconde enchaînant :

« Ce n’était pas le but de ma question, j’ai compris pourquoi tu t’es enfui. Ce que je veux savoir, c’est la raison de ta venue ici. Quitter les Enfers, Alec. Pourtant le Tartare n’est plus ce qu’il était il y a des années, je m’en suis personnellement chargée. Tu es si jeune. »

La question le surpris. Il ne s’attendait pas à ce qu’elle s’intéresse à ce pan de sa vie ! Fronçouillant les sourcils, il releva les yeux vers elle, reprenant toute contenance.

« Parce qu’en ce temps, ce sont les ordres qui m’ont été donnés. »

Sans avoir conscience du tréfonds des plans de ses anciens supérieurs, le démon savait que ces ordres allaient à l’encontre de la horde draconique. Il n’avait pas servi dans l’armée du Dragon et de la Vipère. Il n’était donc pas venu pour eux.

« En quoi ces faits intéressent-ils le palais ? »

Il arqua un sourcil, curieux de sa réponse. Cela faisait tant de temps qu’il n’avait pas eu de nouvelle d’une quelconque hiérarchie démoniaque et voilà que tout à coup la Seconde lui tombait dessus. Il en était certain, cette rencontre était tout sauf professionnelle. Il s’en méfiait d’autant plus. L’imprévisibilité des actes et pensées de la rouquine la rendaient dangereuse. Pour autant, une perspective moins hostile se dessina. La démone fut soudainement prise d’un sourire, sa main agile se glissant entre les mèches rebelles de sa chevelure flamboyante. Alec douta. Il ne comprenait pas.

« Le Tartare ne t’a donc rien appris? Que tu le veuilles ou non, Alec, on se ressemble. Tu prends des décisions sur un coup de tête, sans réfléchir et tu dois te défaire de cette colère en toi par le sport. Courir peut t’aider, mais tu n’acquerras pas ce que tu veux. Un entrainement renforcé serait préférable. Subir les coups au début, ensuite tu sauras combattre à ta juste valeur. L'art de la discipline. Renforce tes muscles, ton mental, protège ton souffle aux bonnes cadences. Pour quel principe veux-tu t’affirmer? »

Les Enfers ne sont pas tendres. Ils ne l’ont jamais été. Le blondinet l’avait appris dès ses premiers pas. Là-bas, la justice n’existe pas. Il n’y a ni altruisme, ni solidarité et il faut avancer tout en réussissant à se protéger. En résumé, y évoluer n’est pas aisé. Ces souvenirs, non des plus tendres, le firent serrer les dents. La suite des propos de la Seconde ne l’aida pas vraiment à redescendre en pression. Oui, ils pouvaient se ressembler, mais non, il ne prenait pas des décisions sans réfléchir. Oui il arrivait qu’il agisse de manière impulsive, il ne pouvait pas nier ce pan de sa personnalité, qui l’avait d’autant plus accompagné pendant de très longues années. Mais depuis qu’il avait eu l’immense opportunité de s’entraîner avec le Lieutenant RAUM, les choses s’étaient améliorées. Il perdait encore son sang froid, faisait des erreurs, comme le reste de ses semblables. Mais l’évolution qu’il avait eu grâce au Lieutenant avait été fulgurante. Tout son train de vie s’en était vu modifié et sa manière de penser et d’aborder les problématiques s’était aussi transformée.

Néanmoins, rien n’étant parfait, cela faisait maintenant un long moment que le suédois n’avait pas recroisé son mentor. Et cette longue absence commençait à le travailler. Rongeant son frein, il avait effectivement vu quelques régressions dans son comportement. Il ignorait si la démone avait eu vent de ce pan récent de sa vie où si elle parlait encore de son lui du passé. Ce qui était probable.

« Je veux m’affirmer pour n’avoir à dépendre de personne. Je veux avoir la possibilité d’accepter ou non les missions qui me sont proposées et non avoir l’impression que les autres me l’imposent. »

Il s’autorisa un sourire avant de répliquer, acerbe.

« Je sais que ce n’est pas ce que le Palais peut proposer. Pour entrer dans vos petits papiers, il faut être malléable, exécuter sans questionner. Je suis navré, si c’est ce que vous êtes venu chercher, vous ne le trouverez pas avec moi. »

Le vouvoiement soudain initia la distance qu’il voulait établir entre leurs deux personnes. Il n’était pas effrayé, il avait compris que la Vipère ne souhaitait pas lui infliger la misère, pas maintenant. Mais, à nouveau, il s’incita à la prudence. Elle était dangereuse.