[EVENT] Lune Rousse - Logan Tancarville

Décidément, allez savoir quelle mouche m’a piquée de venir me trimbaler jusqu’ici en pleine nuit. Mon instinct était en alerte, quelque chose se trame et je piffe que ça ne sent pas bon du tout. Mais ce qui m’agace le plus c’est que je suis incapable de mettre le doigt dessus.

Malepeste, ça leur crèverait le fion que de payer le chauffage. On caille dans cette biblio.

Je voulais sortir un clope à ce moment-là. Mais je me suis rappelé qu’allumer une cigarette au milieu de matériel sec et inflammable n’était pas la chose la plus conseillées à faire. C’est non sans grognements que je rangeais mon briquet. Quitte à être là maintenant, je voulais profiter de mon temps ici pour faire quelques recherches. Cette lune qui est levée dans le ciel, elle pue, ça sent les ennuis et le genre d’ennui qui ne se contentent pas de s’inquiéter de la race ou du sexe ou même du pouvoir. Mon souverain était peut-être ne danger face à cette bizarrerie. Je me devais d’au moins vérifier.

Autant vous dire que j’ai vite fait chou blanc, il n’y avait dans la bibliothèque que littérature classique et revues, rien concernant la ville ou autre. C’est presque comme ci l’on avait voulu effacer les preuves, dans une bibliothèque il devrait y avoir des journaux, des informations, de l’histoire. Cette ville est intemporelle, mais il y a bien des choses qui sont arrivées ici ? S’il y a des vestiges interdits d’accès…il doit y avoir une histoire. C’est à la suite de cette réflexion que cela me frappa. Pourquoi les Ruines sont-elles interdites ? Je n’avais pas tellement suivi l’histoire des explorateurs qui eut lieu il y a quelques mois, mais il semblerait que je doive mener ma petite enquête sur le sujet. Je me souvenais qu’il y avait une certaine Lynnéa parmi les enquêteurs, c’est un bon point de départ. Je notais cela dans un coin de ma tête et je reprenais mes recherches.

Je faillis abandonner à plusieurs moments, et le moment où je fis un dernier tour dépité et prêt à partir ruminer mon échec au fond d’un verre de whisky. Je tombai alors sur un livre qui attira mon regard. D’un geste peu délicat je le retire du rayonnage. La poussière qui le recouvre indique que nul ne s’y est intéressé depuis des lustres.

Le chauffage, le bouquin…Si j’étais la direction j’aurais 2-3 mots à dire aux employés. Et cette saleté de lampe de poche qui n’arrête pas de se couper. Je vais en devenir maboul au bout d’un moment.

Le livre n’avait pourtant rien de particulier, il ressemblait plus à un gros carnet, reliure et couvertures en cuir, fermoir en fer. Rien de si particulier si ce n’est le fermoir. Pas de titre, pas de références, c’est assez singulier comme trouvaille dans une bibliothèque. Lentement je défais le fermoir, pour une raison qui j’ignore encore, une boule s’est formée dans ma gorge à ce moment-là. Pourquoi appréhendais-je tant ce qu’il pouvait y avoir dans ce livre ? Après tout, ce n’était qu’un livre, pas une arme à feu braquée sur ma tempe ou une lame sous ma gorge. Alors pourquoi ? Pourquoi avais-je si peur ?

Je n’ai jamais eu de réponse à ces questions. L’anxiété laissa vite place à la colère, le livre était entièrement vierge. Rien ! Nada ! Niet !


Dans un élan de rage j’ai lancé le livre un peu plus loin.

Je suis Logan Tancarville, je ne tolère pas l’échec, je n’accepte pas l’erreur. Je suis un fier démon de sang pur du Tartare. La faiblesse ne fait pas partie de ma philosophie, l’échec n’est pas tolérable. C’est le privilège du fort, d’écraser le faible et moi, je ne comptais pas me retrouver dans la seconde catégorie. Je me suis battu bec et ongles pour avoir ce que je veux dans cette vie, je me bas pour récupérer ce que l’on m’a pris. Les anges, cette ville, ce n’est pas ma place, ce n’est pas mon destin.

Le livre gisait un peu plus loin, il me narguait. Il était posé là, la blancheur de ses pages semblait luire dans la nuit au reflet de la lune cramoisie. Je n’étais pourtant plus le néophyte que j’étais jadis. Comment pouvais-je produire un résultat si décevant. J’étais devenu un grand limier, le meilleur, et pourtant j’étais là, démuni comme un enfant. Je me sentais comme la petite frappe des Tales que j’étais, comme si ma vie était vide de sens, ne trouvant que la rébellion et la destruction d’épanouissante. Je me suis alors assis contre le mur, me laissant lentement glisser sur le sol. Mes cheveux étaient en bataille, ma barbe, mal rasée. Je portais une chemise avec cravate, un imper, des mocassins et un jean. Et surtout pour la première fois depuis mon départ des enfers, je me demandais ce que je foutais là. Assis tout seul au milieu d’une bibliothèque glaciale en pleine nuit. J’adore mon boulot, c’est tout mon être et toute mon âme. Et pourtant j’étais incapable de l’accomplir en cette nuit si étrange. Sans mon boulot je ne suis rien d’autre qu’un pauvre démon de plus. Sans mon boulot je suis inutile et ce qui est inutile est dispensable. Je le savais mieux que quiconque, mon père m’était inutile alors je suis parti ailleurs. Quand les Tales sont devenus inutiles je m’en suis séparé. Quand Arsène n’eut plus rien à m’apprendre, je l’ai laissé. Dans ce monde l’on a de valeur que si l’on est utiles. Et à ce moment précis, je ne l’étais en rien. Mes compétences furent inefficaces. Et j’étais tout bonnement incapable de le tolérer.

Je refusais purement et simplement de l’admettre, il était hors de question que je redevienne cet enfant incapable que j’étais. Je n’étais plus cet enfant, je me suis accompli, je suis Bad Wolf, je suis Logan de la famille Tancarville. Je suis un détective de renom. Et ce n’était pas une vulgaire bibliothèque qui allait me coucher, pas aujourd’hui, pas hier, pas de demain. Je me relève avec une lueur mauvaise dans le regard. Je regarde le bouquin en cuir, et je le prends avec moi. S’il n’y a pas de traces de la vie passé à DT, alors j’en créerai. Je tiendrai un journal en ces lieux dans lequel je noterai mes aventures notables ainsi que mes observations (celui dans lequel je suis toujours actuellement en train d’écrire). Mais avant de partir j’ai une dernière chose à faire.

Je renverse les étagères et je saccage la bibliothèque. Je fais ensuite un énorme tas de livre que je chope par ci par là. Essoufflé et soulagé, il me reste plus qu’une pierre à ajouter à cette pyramide. Je sors alors une cigarette ainsi que mon briquet, et j’allume ma clope. Je prends tranquillement le temps de la fumer face au carnage que je venais de commettre. A la fin de celle-ci, je crache ma dernière bouffée et je jette le mégot sur le tas de livre qui commence à prendre feu. Et alors que l’incendie commence à prendre, je quitte la bibliothèque sans regarder derrière moi.