Quand la nuit tombe [libre]

Le détective finissait sa journée, il rangeait ses papiers, mettait un peu d’ordre dans son bureau avant de sortir. Une fois que tout était bien propre, il fermait la porte à clé et sur le chemin de sa tanière, le loup solitaire se repassait l’affaire encore une fois dans sa tête. Il voulait être sûr de ne rien oublier, c’était sa première affaire depuis longtemps et il ne voulait pas la rater, sa conscience professionnelle le lui interdisait.

Une femme a disparue dans le parc, cela fait plusieurs semaines que personne ne l’a vue. Le temps joue contre moi, il va pas rester beaucoup d’indices sur les lieux et je vais surement devoir encore jouer ça en interrogeant les proches et en fouillant les affaires de la demoiselle. Enfin…ça ne coute rien d’aller, et à cette heure là je vais pas aller emmerder les proches, on verra ça dans les jours à venir…

L’investigateur marchait nonchalamment, les mains dans les poches, en direction de l’espace vert, perdu dans ses pensées…Son grand imper brun se laissait aller au gré du vent, indiscipliné et restait pourtant droit sur les épaules du loubard. Ainsi, on pouvait voir qu’en dessous de son grand manteau, Logan portait sa tenue habituelle de bureau. C’est-à-dire un pantalon en toile noire avec des mocassins, eux aussi, noirs, une chemise sertie d’une cravate de la même couleur que les chaussures. Une simple ceinture de cuir gardait la chemise dans le pantalon et serrait celui-ci comme il fallait à la taille. Le démon sortait sa main droite de son manteau, il tenait quelque chose, une photo. Sur celle-ci, on pouvait distinguer les traits d’une magnifique jeune femme, rousse, pulpeuse, les cheveux ondulés. Elle était vêtue d’une robe rouge et de longs gants violets, fortement maquillée. C’était une très belle femme sans aucun doute qui avait dû rendre bien des hommes fous de désirs. Du moins c’est ce que le détective pensait.

La femme en question (vous devinerez facilement qui c'est):

C’était la femme qu’il devait retrouver Jessie Lagus, la commande venait de son mari, Hrodgar Lagus. La première question du détective fut « Pourquoi attendre plusieurs semaines ? ». Mais le pauvre homme était resté évasif, mais de ce que Logan avait compris, sa femme était plutôt…libérée et elle n’aimait pas se sentir enfermée. L’enquêteur en avait déduit que de longues absences ne devait pas être inhabituel pour lui mais que cette fois c’était vraiment long. Pour le professionnel expérimenté, ce n’était rien de plus qu’un amant désespéré qui a cru en les mensonges d’une bonne femme qui a profité de lui.

Le pauvre gars…, Si j’ai le fin mot de l’histoire je lui payerai un godet.

Il rangeait la photo à nouveau dans sa poche et il arrivait petit à petit au parc. Le soleil finissait sa course à l’horizon, et s’apprêtait à illuminer l’autre moitié d’on ne sait quoi en ces lieux. Arrivé à l’entré, notre homme inspectait les lieux, et celui-ci était bien vide, tant mieux, ça voulait dire moins de curieux et moins de gêneurs. Tout pro qu’il était, Logan aimait pas qu’on le gène pendant une enquête, le seul avec qui il s’était jamais entendu sur des affaires, c’était ce bon vieux Arsène. Depuis qu’il bossait en solo, Bad Wolf n’avait jamais changé de modus operandi. Il s’élança donc après ce rapide coup d’œil dans l’enceinte du lieu.

Par où commencer ? Le parc était grand et chercher des indices à tort et à travers, cela aurait été comme chercher une aiguille dans une botte de foin avec un cure dent. Le détective commence donc par arpenter doucement le chemin, les sens en éveil, prêt à sauter sur le moindre indice qui lui ferai l’audace de se montrer. Arrivé à un tiers du parc, ce fut en vain. Mais le loup solitaire repéra un jeune garçon en train de gribouiller sur un carnet. Peut être venait il régulièrement, ce n’était pas rare que certains artistes viennent régulièrement chercher l’inspiration en ce genre de lieu. C’était un coup de poker pour le détective mais il n’avait rien à perdre.

L’investigateur quittait donc le chemin de gravier pour poser le pied sur l’herbe sèche et Logan s’approchait du jeune qui portait un pull rouge.

Au regard du gosse, je pouvais déjà deviner qu’il n’avait jamais cette femme de sa vie. Pff, quelle perte de temps.


Je ricane doucement à sa provocation. Il avait du cran pour un môme, je décidais de le détailler un peu plus. Des cheveux noirs mi-longs, et derrière les mèches rebelle du garçon il me semblait reconnaître une cicatrice sur son œil droit, alors qu’il me fixait un peu hébété par la bêtise qu’il venait lui-même de dire. C’était pas une cicatrice banale pour un mioche et pas belle non plus. J’avais vu assez de baston pour savoir que cette blessure à pas été soignée par un médecin. Quant à ses habits il était assez banal, jean, tennis, t-shirt noir et un sweat bordeaux qui pourraient presque s’accorder avec les deux globes qui lui servaient de mirettes. Dans ses mains il tenait un carnet et un crayon, soit il prenait des notes, soit il dessinait, rien de bien anormal.


En guise d’exemple je me contentais d’écarter un pan de mon manteau, laissant apparaître à ma ceinture le revolver que j’avais sur moi la plupart du temps. J’en profitais pour sortir mon paquet de clope de ma poche et de m’en griller une. Je prenais une bouffée et je soufflais lentement la fumée. Ma seule piste était tombée à l’eau et je n’avais pas d’indices, j’allais devoir fouiner.


Ceci expliquant cela.


Je prenais une bouffée et je m’apprêtais à partir quand un éclat dans les buissons a attiré mon regard. Je passais derrière le jeune et tel une pie je fondis sur l’éclat, c’était un collier, le même collier que portais la dame sur la photo. Jackpot, c’était un vrai coup de veine que de tomber là-dessus, en écartant quelques branches, je pouvais même voir quelques branches brisées et quelques cheveux roux éparpillés sur le sol.

Hmmm, des traces de luttes, si elle a été enlevée, c’est ici que ça s’est produit. Décidément c’est mon jour de chance. Si ce gamin avait pas été là je me serai même pas arrêté.

J’étais en train d’observer le sol à la recherche de trace ou d’indices sur l’agresseur, quand le gamin vint m’observer. Je me demandais ce qu’il pouvait bien vouloir, c’est pas comme si ce que je faisais était passionnant pour un bleu.


Je ricane une nouvelle fois.


Je me retourne pour l’observer. Debout il est encore moins impressionnant qu’assis, frêle, chétif, c’était à se demander s’il avait fait sa puberté. Je dois bien le dépasser d’au moins une tête et faire deux fois sa masse musculaire. Ce qui est assez drôle quand on voit le sourire moqueur qu’il se permet d’afficher. Très vite je retourne à mes indices, dans les traces de luttes je peux voir deux choses intéressantes en quelques minutes. Des cheveux blonds et un bout de tissus pris dans des branchages.


Je sortais un carnet dans lequel je me notais les avancements de l’enquête, ainsi que les choses à faire pour demain, aller voir Arthur et déterminer quel était le bout de tissu. Une fois satisfait des scribouillages, je rangeais le carnet pour sortir mon paquet de clope et m’en griller une nouvelle. Le gamin était resté là à m’observer, s’il avait fait des commentaires je ne les avais même pas entendus.

Comme à son habitude le jeune Léo se pavanait comme un paon trop fier. Toujours la pique pour faire le malin. Enfin je n’allais pas l’engueuler indéfiniment. Ce n’est pas comme si j’avais été forcément mieux à la même période.


Je tire une latte sur ma clope avant d’expirer la fumée. Je tapote dessus pour enlever la cendre.


Je commence à repartir vers l’entrée du parc, peut être allais-je au Nocturne, ou au bar de motard. La question se posait encore.

Cela faisait maintenant prêt d’une semaine et demie que je m’étais installé. J’avais négocié mon contrat avec Dragon et j’ai même maintenant mes premières affaires. J’avoue que je n’étais pas trop à plaindre pour le moment. Cependant je sais aussi que j’ai eu beaucoup de chance de ne croiser aucun ange. Je pouvais profiter de cette période pour laisser trainer mes oreilles et mes yeux, selon les rumeurs, des anges déserteraient les rangs. Est-ce qu’il se rendent enfin compte de la stupidité de leurs propres principes ? Je ne pense pas, après tout Haelyn est toujours bel et bien présente. Bah ce n’est pas le moment de me tracasser avec ça. Autant profiter de la soirée tant qu’elle dure.


Le jeune garçon me rejoignait, et on partait direction le centre-ville pour profiter de la chaleur d’un bon bar et surtout d’un bon whisky. Mais en attendant, autant chercher à en savoir plus sur le gamin.

Mouais, ça sent le mensonge à plein pif ça. Enfin je peux comprendre, après tout on vient à peine de se rencontrer.

A son âge je n’étais pas si différent, dans la rue, parmi les Tales, à faire sales coups sur sales coups. Vivant au jour le jour, j’avais fui le manoir familial pour trouver refuge parmi les rebus, et pourtant j’y ai trouvé mon compte, j’ai rencontré Arsène, découvert le métier de mes rêves et même si le chemin a été mouvementé. Putain, ce que ça a valu le détour. C’était plus calme maintenant, mais je n’avais aucun doute que cela allait changer d’ici quelques mois. Pour l’instant les 2 camps se regardaient en chien de faïence attendant le premier mouvement de l’autre. Pour engager les premières vendettas. Peut êtres même la machine était elle déjà en route, cela ne me surprendra même pas.  J’en frissonnerai presque d’excitation, retrouver l’action, le combat. Ici pour l’instant Je me ramollis, cela manque de baston. Mais ce n’était pas le moment, pour l’instant j’allais simplement boire un verre pour te détendre dans un bon bar. Mes pensées reviennent alors vers mon camarade de fortune. Qui n’en avais visiblement pas finis avec toi.

Et toi, tu es arrivé ici comment ?

La question était légitime, après tout, je l’avais posée en premier après tout. J’ai alors tiré un ou deux lattes sur ma clope, prenant le temps de réfléchir à ce que j’allais répondre. Nous laissant tout deux dans un silence assez encombrant.


Je soufflais pensivement la fumée, c’était vrai, je ne regrettais pas d’être ici, ni ce qui s’est passé. Mais quand même, quel beau bordel, enfin maintenant j’étais associé avec Dragon, cela me donnait un semblant de sécurité. Ou une illusion de stabilité, mais il ne fallait pas que je me repose dessus. Le chemin était encore long. Je levais alors les yeux au ciel, la lune était belle et solitaire.


Je détournais mes pensées de ce fantasme aérien pour revenir les deux pieds bien sur la terre ferme.

J’écoutais calmement entre 2 bouffées ce que le gosse avait à dire. Et je le comprenais, derrière mon masque d’impassibilité, je me rappelais ma jeunesse dans les rues du Tartare. Vivant au jour le jour avec les Tales. Et avec ça son lot de baston quotidienne et de mise en danger irresponsable de petites frappes. Même son petit air insolent et effronté me faisait penser à moi quelques années en arrière. Rien à dire, je l’appréciais ce môme. Moi, je restais pensif face au calme nocturne s’appesantissant lentement au rythme de la décente du soleil. Cette bonne vieille étoile venait tout juste de disparaître derrière la ligne d’horizon et la douce nuance bleu nuit commence à prendre le pas sur la lueur flamboyante du ciel crépusculaire. Créant ainsi une fine lamelle violacée entre ces deux périodes, comme une fine frontière en la fin de la journée de travail, et des corvées journalières. Laissant place à la nuit plus nébuleuse, où tout se produit et tout est permis aux yeux des doux agneaux innocent et où les loups chassent sans répit les agneaux les plus courageux, où inconscient, la différence se faisant souvent à leur capacité ou non, à rester en vie. Toutes les brebis n’appartiennent pas à Monsieur Seguin, même si bon nombre d’entre elle suffisent à rassasier les plus vils requins.


Je finissais mon bout de mégot avant de le jeter dans une poubelle. Je jetais alors un regard curieux au jeune borgne. Je me demandais tout de même à quel genre de mouton j’avais affaire. Les rues de la Terre sont bien plus clémentes que celles des Enfers, et sûrement de celles d’ici aussi. Moi ? J’avais passé l’âge de toutes ces bêtises, j’étais rangé maintenant. Métro, boulot, dodo diraient certains. Mais moi, ça me convient, j’aime mon boulot, j’aime ma vie, et pas de femme pour me tirer dans les pattes, qu’est-ce que je peux demander de plus ?


Inutile de dire que l’ironie dans ma voix était fortement marquée, avec une pointe de sarcasme. Après ses précédentes ce n’était que lui rendre la monnaie de sa pièce.


Cela me faisait l’occasion de me plonger un peu dans ce que je connaissais de la ville depuis que je m’y étais installé. J’avais rencontré et sympathisé avec Arthur, qui était un bel atout dans cette ville de barge. J’avais écumé au moins une fois la plupart des commerces et bars de la ville. Mais c’était au Nocturne que je revenais le plus, la patronne, un peu excentrique mais elle n’était pas chiante, tant que tu commandais et que tu payais, elle servait et elle la bouclait. Mon cabinet commençait à se faire connaître doucement mais sûrement. Je connaissais bien sûr quelques adresses huppées et d’autres beaucoup moins qui se tenaient en ville. Mais aucune enquête ne m’avait demandé d’utiliser ses adresses donc pour l’instant Je me contentais de certaines rumeurs et autres on-dit. Bien sûr tu trainais souvent du côté du quartier des démons, déjà pour te familiariser avec les visages récurrents, après tout c’est avec eux que tu vas devoir te mêler le plus. Mais en règle générale, la ville est bien calme, les habitants ne sont pas foule. D’ailleurs dans la logique inverse, le quartier des anges, je l’évite comme la peste. Je ne veux rien avoir à faire avec ces emplumés. J’ai bien entendu quelques rumeurs comme une ange qui aurai défection et attaqué les gardes de la reine. Personnellement, c’est ce que j’appelle avoir des couilles.

Mon attention se reporte à nouveau sur mon jeune compagnon de fortune. Allait-il basculer dans un camp ? Pour l’instant il est trop tôt pour dire lequel, mais une chose était sûre, son attitude insolent n’allait pas plaire aux anges. Même s’il paraîtrait qu’ils ne sont pas tous des con finis avec un balais dans le fion. J’attend de voir pour le croire. On sortait alors du parc.

Ce gamin me faisait penser à moi, d’une certaine manière. Bien sur il n’avait ni la carrure ni l’agressivité. Mais il avait chez lui une espèce de malice que j’appréciais, le même genre que j’avais commencé à avoir avec les années. Je ne suis pas du genre à m’attendrir sur le premier venu, mais sa façon de me répondre me plait, une espèce d’insolence insouciante qui lui attirera bien des problèmes. Mais il est et sera son seul maître, pour le meilleur comme pour le pire, son œil me laissait d’ailleurs à penser qu’il avait plus de pire que de meilleurs. Mais bon on a tous nos casseroles, après tout je n’étais pas là pour rien. On poursuivait lentement notre errance vers la sortie du parc, je me souviens qu’il trainait un peu le pied, encore hésitant, après tout un inconnu venait de lui proposer d’aller boire un verre. J’aurai pu faire n’importe quoi avant de venir ici en tant qu’humain, meurtre, violence, pour ne citer que les deux-là. Les lois de Marie était arrangeante dans ce sens là pour les ignorants, tu pouvais difficilement t’endormir le soir et avoir peur de te réveiller avec un couteau entre les omoplates, voir pas te réveiller du tout. Enfin le fait est qu’il suivait, et je ne m’en embarrassais pas plus.


Tss, sale gosse que c’était, mais d’un autre côté il semblait surtout ne rien avoir du tout, et sur le moment, passer la fin de ma soirée encore seul à écumer le fond de mon verre ne me semblait pas si attirant. Comme quoi même le loup solitaire à besoin de contacts avec les autres de temps en temps.


Je me suis rallumé une clope à ce moment-là, ni réjoui, ni en colère, mais je fis la remarque d’un simple état de fait. Je ne suis peut-être pas le démon le plus interactif de la ville, mais exceptionnellement je voulais bien faire cette partie de piques avec ce môme, pur plaisir immature, ou nostalgie des gangs du Tartare. Je n’en ai aucune idée encore aujourd’hui, mais je laisse ces questions là ou elles sont, après tout, c’est simplement la chose que j’ai voulu faire, et que serais-je sans mon instinct au juste ?


Je tire une latte avant de continuer, nous étions tout juste à la sortie du parc, et nous avons enfin cessé de fouler le gravier pour revenir vers les pavés blancs du centre-ville. Je menais le pas, rappelant nonchalamment à Léo que c’est moi qui connaissais les directions quand il déviait un peu trop du chemin, rien de plus qu’un geste de la main en pointant dans la bonne direction en l’attendant, un air mi-désabusé, mi amusé sur le visage qui levait mes sourcils mais étirait les commissures de mes lèvres en même temps. Après avoir déambulé quelques minutes dans les rues maintenant sombres, à peine éclairées par quelques lampadaires, nous arrivons donc face à l’enseigne éclairée du Nocturne. Une petite musique s’en échappe par la porte en bois et les quelques fenêtres ouvertes. On passe la porte et bien sûr tout est comme d’habitude, calme. Les lumières éclairent d’une faibles lueur les recoins du bar, Casey ne semble pas travailler ce soir, un autre semble avoir pris sa place derrière le bar. J’ai à peine consulté la crevette avec moi et je me suis dirigé vers une table libre en haranguant le barman.


Le gamin a commandé, je me souviens même plus ce que c’était d’ailleurs. J’écrase la fin de ma cigarette dans un des cendriers sur la table. L’un des avantages du Nocturne c’est que je pouvais fumer à l’intérieur quand c’était calme, autant dire quasiment tout le temps. Pour un bar le temps de passages des clients est étonnamment court, et souvent dénué de boissons. Mais bon, les affaires de la patronne de ces lieux ne me regardaient pas, ou pas encore.


J’étais revenu sur Léo. On ne refait pas et j’avais assez contenu ma curiosité. Il était temps de creuser le petit être qui était mon compagnon de fortune pour le reste de la soirée.