Who's the cat, who's the mouse? [feat Luke V. Mellus]

Qui mène la danse ? Toi ? Ou.. moi ?

De ce côté-là de la ville, on se sentait nettement plus opprimé, sans cesse menacé et aucune tranquillité n'aurait ainsi pu être octroyée aux individus osant traverser ces quartiers. Un silence de mort y régnait, accentuant le sentiment d'hostilité qui s'en dégageait.


Le suédois d'abord assez étonné promena son regard partout où il lui était permit de regarder. Sa démarche assez saccadée au commencement devint petit à petit plus souple, plus silencieuse tandis qu'il arpentait les rues aux ombres dansantes. Toujours aux aguets, les muscles bandés, il n'en demeurait pas stressé. Le voilà qui venait en effet de retrouver son environnement, de enfin trouver sa place. En tournant au coin d'une rue, lui parvint même une vague odeur de sang écaillé ce qui lui arracha un reniflement bestial. Bonté divine, quel plaisir d'être accueilli de la sorte. Il poursuivit sa route toujours aussi plein d'entrain, demeurant toutefois sur ses gardes. Des démons il fallait sans arrêt se méfier, il ne le savait que trop bien. Rien qu'en s'observant avec un peu de recul il en arrivait quotidiennement à cette explicite et peu difficile conclusion. Alors se retrouver au beau milieu du nid de Satan, n'en parlons pas. On aurait d'ailleurs pu l'imaginer un tantinet apeuré ou tout bonnement impressionné mais rien de tout cela ne paraissait avoir d'emprise sur le jeune homme. Une fois la surprise passée, il se laissa simplement aller à sa nature et c'est désormais son instinct seul qui lui servait de guide au travers de ce dédale de ruelles.


Il semblait chercher quelque chose. Tantôt il s'arrêtait quelques instants pour dodeliner la tête de droite à gauche, tantôt il trottinait, n'ayant aperçu ce qu'il désirait voir. Que pouvait-il bien chercher dans cet endroit désertique ? Un démon, rien que cela. Mais attention.. pas n'importe lequel, non. Alec s'était mis en tête de trouver l'homme à la tête des troupes démoniaques occupant Damned Town . Il n'avait pas grand espoirs, autant se l'avouer franchement, mais quand même, son but fixé était aujourd’hui se faire connaissance avec la personne qu'on lui avait présenté comme son « souverain ». Et pour être honnête, ses engagements, les respectait tous, sans aucune exception. Alors ce n'était pas ce macabre labyrinthe qui allait avoir raison de son ambition. De plus, les deux hommes allaient avoir besoin de s'entretenir au sujet d'une affaire importante. Quoi que cela lui en coûte, il le trouverait donc.


Ainsi commença la traque. Le chasseur délaissa ses confortables positions et partit en quête d'indices. Il ne disposait que de très peu de pistes, de ce puissant personnage, il ne connaissait que le nom ainsi que la réputation qu'on lui donnait au fin fond des Enfers. Un être cruel, dépourvu de pitié, avide de pouvoir et de sang frais, un sadique à l’état pur et un démon à la force remarquable, voilà tel qu'on se l'imaginait là d'où le suédois venait. Rien qu'à y songer, des altercations toutes plus violentes les unes que les autres se profilèrent à ses yeux, l'appel du sang et la soif de pouvoir se firent sentir. Une étincelle de joie féroce flamba dans son regard et il pressa le pas. Désormais, il ne marchait plus. Il courait. Le vent venait face à lui, faible petit obstacle de la nature voulant ralentir son implacable progression. Le froid vint mordre ses joues au point de les roser, lui arracha quelques larmes qui dévalèrent le long de son visage. Ses foulées ne furent quand bien même par raccourcies pour si peu, sa course n'en fut pas affaiblie. Au contraire tout vint se caler au rythme de ses pieds martelant tour à tour le froid macadam tapissant les sols de la ville, à commencer par sa respiration qui se fit régulière et discrète à la fois. Chaque expiration provoquait la formation de brume dans l'air ambiant. Son regard glacé ne s'accordait que trop bien à ce temps d'extrême fraîcheur.


La traque se poursuivait.


Luke V. Mellus, peut importe où tu te caches, je te retrouverais mon bonhomme.

Alec

Une façade dégoulinante, des fenêtres aux carreaux cassés et des rideaux tentant de s'échapper, n'était-il donc pas déjà passé devant cette villa? Il s'arrêta un instant pour le vérifier. Si, si, cette ruelle, il l'avait déjà empruntée, et plusieurs fois apparemment. Et merde... où était donc ce foutu Palais? Un râle s'échappa de ces lèvres entrouvertes, manifstation évidente de son impatience. Cet endroit n'avait pas que l'air d'un labyrinthe mais semblait véritablement avoir été conçu par Dédale lui-même. Il était bien mal-aisé de s'y repérer, mais il y avait pire encore, il fallait dénicher le Minotaure.. Sa quête reprit donc, guidée par une détermination plus profonde encore, et, à force d'arpenter chaque rue en long, en large et en travers, il se mit à, peu à peu, mémoriser des fragments de la disposition des bâtiments. Sans hésiter, il pourrait, en partant de l'ancienne villa, nous conduire au hangar, à l'apparence hantée, situé à 6 pâtés de maisons de là.


    Voilà maintenant une heure que le jeune démon déambulait là en trottinant, ce qui lui avait permis d'en prendre plein les yeux. Mais il n'était pas encore parvenu au bout de ses suprises, puisqu'au tournant d'une ruelle s'éleva soudainement face à lui l'imposante silhouette du Palais. Nous y voilà..., pensa t-il. Un sourire bestial déforma son harmonieux minois et le voilà qui s'élança en direction du portail, frêle obstacle qu'il eut tôt fait de franchir après s'en être débarassé d'un franc coup d'épaule. Tout en courant, il redressa légèrement son buste, leva fièrement de quelque peu le menton et laissa percer dans son regard toute l'arrogance dont il était constitué. C'est ainsi qu'il franchit les portes du Palais, être digne et conscient de sa beauté. Cette entrée aussi théâtrale soit-elle fut soudainement stoppée. Le démon freina en effet de ces quatre fers et pour cause! Un gamin d'à peine quinze ans l'observait ardemment, tel un éclair dont il pourrait s'empiffrer. Le suédois eut un net mouvement de recul au vu de ce regard empli de gourmandise. Sa surprise, inutile de le préciser, en fut également sans bornes.


"Oh, oh, oh!"


Pour s'exprimer, il prit soin d'utiliser un ton sec et tranchant, sans appel.


"T'es qui toi?"


Il réfléchit quelques instants avant de poursuivre aussitôt, sans laisser à l'autre blondinet la moindre chance de parler.


"Nan, nan, oublies. Ton nom n'a aucune importance."


S'éterniser aurait été péché, et pour éviter de plus perdre son temps, il contourna le sofa rapidement et se mit en tête de prendre l'escalier, tout en trottinant allégrement, reprenant ainsi sa foulée.


"Luke.. montres-toi.." murmura t'il en un souffle.


    Ses yeux balayaient la zone face à lui, à la recherche d'une quelconque apparition. Il n'avait, en tous les cas, pas couru tout ce temps pour des prunes, alors soit le démon choisissait bien sagement de se montrer, soit le suédois irait le chercher selon un principe très simple, soit, par la peau des fesses. Non mais.. on a pas idée de se cacher lorsque l'on se voit ainsi rechercher.

Alec

Le voilà surgissant dans la première pièce trouvée. Quelle surprise de ne découvrir ici qu'un tas de livres. Non, cet adjectif est bien trop peu erroné pour être employé. Il faut, je le crains, s'arrêter quelques instants pour décrire ce lieu si haut en couleurs. Imaginez-vous un instant une bibliothèque pleine à craquer dans laquelle étaient soigneusement classés des manuscrits aux reliures toutes plus minutieuses les unes que les autres. Le prix de chaque ouvrage aurait donné le vertige à n'importe qui, il ne fallait pas être devin pour le deviner. Ces œuvres uniques se succédaient de bas en haut, ayant chacune leur place au sein des étagères qui se dressaient fièrement, se déployant jusqu'à toucher le plafond de leur bois rutilant. Elles tapissaient le mur de leur sagesse et le sofa qui trônait dans le reste de la pièce semblait bien insignifiant à côtés de ces reines boisées. Une odeur âpre de livre vieillissant accompagnait cette découverte ce qui arracha un reniflement à notre Suédois. Peu adepte de la lecture, il n'en demeurait pas moins impressionné par la prodigieuse collection qu'il lui était donné de voir. Si, rouillé et usagé, il lui prenait un jour l'idée de démarrer un tantinet soit peu à se cultiver par le biais de la littérature, il savait sa route toute tracée, il lui faudrait revenir ici. Absolument.  

Enfin bref, baver devant un tel amoncellement d’œuvres lui était impossible. Lui était en quête de son démon, et il n'y avait dans cette pièce rien qui relevait d'une quelconque silhouette humaine. Il s'apprêtait donc à faire demi-tour quand il se sentit observé.  Connaissez-vous ce sentiment désagréable ressenti lorsque quelqu'un de trop curieux vous épie ? Cette légère brûlure causée par un regard un peu trop ardent ? Il  se stoppa net et ne bougea plus sitôt qu'il l'eut senti. Quelqu'un le suivait, quelqu'un le guettait. Il redressa lentement les épaules, releva un tantinet soit peu le port de sa tête, et lentement tourna des talons pour toiser la personne qui se permettait ainsi de l'examiner. Ce qu'il croisa fut le regard gourmand du petit enfant croisé précédemment.  


°Qu'est-ce qu'il veut le gamin?°


La mâchoire contractée, les muscles bandées à la manière d'un animal pourchassé, il se permit de regarder de haut cette petite créature venue le déranger. Qui était-il donc pour venir interrompre de la sorte une battue à peine entamée ?  


« Aurais-tu l'amabilité de bien vouloir te présenter à moi ? Tu fais irruption en ces lieux, sans prévenir personne, remplis d'une ardeur provenant de je ne sais quelle volonté ou soif à assouvir, et préfère explorer l'une des innombrables pièces vides de ce palais, plutôt que de me donner la raison de ta venue ? Je ne sais pas ce que tu peux bien désirer à ce point, mais je serais ravi de t'aider dans ta quête… »


°Oh, épargne moi cet air innocent petit démon. Je sais où je me trouve.°  


Son expression ne changea pas d'un pouce et conserva cette singulière austérité qui lui était chère. Et ce n'était pas cette voix fluette, aussi douce soit-elle qui lui donnerait envie de converser. Mais quel âge avait donc cet enfant ? Et comment une bouche aussi petite pouvait-elle laisser échapper autant de mots et de phrases si bien tournées ? Sa méfiance en fut amplifiée. Comme pour le témoigner, son corps tout entier se figea pour gagner en immobilité. Ces tremblements naturels cessèrent et seuls son regard continua de jauger le petit être qui tentait de l'amadouer avec son regard de petite fille en manque. Enfin, après une bonne minute d'intense joute, ses lèvres se mouvèrent laissant filtrer une voix en totale opposition avec celle du garçonnet. Rauque et grave, elle accompagna les paroles prononcées :


« Je ne me présenterais qu'en temps voulu car je ne compte pas m'éterniser. La personne que je recherche n'étant pas ici, je ne vais pas tarder à m'en aller donc si tu veux bien me laisser en paix, je t'en serais grès.»



La lueur de ses yeux bleutés exprima clairement une certaine déception rencontrée par le démon. Lui qui se faisait une joie de trouver ce fameux personnage, le voilà qui repartait bredouille, enfin.. qui tentait de berner un pot de colle un peu trop insistant. C'est bien là extrêmement différent.